Il est encore temps de revoir le projet Biogaz SIBIOM !

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Le projet de centrale biogaz  SIBIOM a reçu son permis unique. Il devrait donc voir le jour. D’après nos estimations, il recevra 5,8 millions d’argent public par an. Ce soutien n’est en rien justifié étant donné son impact  potentiellement négatif tant de point de vue environnemental que pour l’agriculture locale. Le permis ayant été octroyé dans la période de transition gouvernementale, IEW estime/espère qu’il est encore temps de revoir la copie.

C’est quoi le biogaz ?

Toute matière organique, en se décomposant, produit un gaz, le méthane, semblable à celui que nous utilisons pour nous chauffer ou cuisiner. Dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique, on développe des centrales destinées à produire ce gaz à partir de matières organiques (plantes, résidus animaux…) . Ce gaz est prétendument « neutre en carbone » car, s’il émet du CO2 au moment de sa combustion, c’est en proportion équivalente à ce la plante dont il est issu a absorbé durant sa croissance. Il serait donc « climatiquement » positif…

Le biogaz peut jouer un rôle central dans la transition énergétique. En effet, il pourrait nous permettre de nous passer d’une partie du gaz fossile (faussement appelé gaz naturel) que nous utilisons aujourd’hui aussi bien pour nous chauffer que pour l’industrie ou la production d’électricité Il représente ¼ de nos consommations d’énergie belge.  

Retrouvez le dossier de la Fédération « Le rôle du gaz dans la transition énergétique » ici

Tous les biogaz ne sont pas bons pour la planète.

Pour être durable, un biogaz ne doit pas être produit à partir de plantes alimentaires spécialement cultivées à cet effet. Une abondante littérature scientifique démontre à quel point cultiver des plantes alimentaires comme le maïs, ou la betterave pour faire de l’énergie (on parle de cultures énergétiques) peut être néfaste pour l’environnement et pour le climat1.

Pourquoi ? Essentiellement parce que ces cultures consomment énormément de terres agricoles de plus en plus rares et donc précieuses. Nous en avons pourtant besoin pour nous nourrir. Ces « cultures énergétiques » exercent donc une pression sur le territoire et nous poussent indirectement à défricher toujours plus de forêts et autres espaces naturels pour les développer.

Pour être durable un biogaz doit donc être produit à base de résidus (lisier d’élevage, des résidus de scierie, des boues de centrales d’épuration, des résidus agricoles, des déchets de jardinage…). On peut aussi utiliser les terres agricoles au moment de l’année où la terre n’est pas utilisée pour la culture principale… On parlera alors de cultures « intercalaires » qui peuvent même avoir un impact positif pour la terre et ne se substitue donc pas à des cultures alimentaires…

La Centrale SIBIOM ne répond pas à ces conditions

Sibiom prévoit de décomposer 100.000 tonnes de maïs et de betteraves par an spécialement cultivées pour la centrale. C’est donc 1000 hectares de terres arables de la Wallonie picarde qui seront consacrés spécialement à la culture de maïs et 300 hectares pour la culture de betteraves, toutes deux « énergétiques ». Les promoteurs « envisagent » d’intégrer « plus tard » d’autres intrants moins impactant (paille, cultures intercalaires) mais aucun objectif à moyen et long terme, ni aucune garantie ne sont donnés. Au contraire les contrats d’approvisionnements passés avec les agriculteurs rendent peu crédible une évolution positive.  

Plus d’infos : Dossier Sibiom 

Un impact négatif pour nos fermes

Les promoteurs de Sibiom mettent en avant une autre vertu présumée de leur projet : il serait positif pour le monde agricole local.

Sur base des expériences similaires, notamment en Allemagne où des régions entières sont consacrées à la culture industrielle du maïs à des fin de production énergétique, on peut clairement questionner cette assertion. Les cultures énergétiques remplaceront les cultures nourricières et fourragères de la région avec un impact sur les petites exploitations familiales. Les conditions proposées par Sibiom risquent de bénéficier d’abord aux grands propriétaires terriens qui seront incités à reprendre leurs terres pour les donner en gestion à des groupes agricoles industriels spécialisés dans la production de maïs.

Enfin en terme d’emploi local, la culture du maïs est la culture la moins intensive en emplois qui soit – 6 heures de travail par hectare du semis à la récolte. Planter du maïs là où il y avait précédemment une autre culture a donc un  impact négatif sur l’emploi. En outre, Sibiom contribue à la disparition d’un modèle agricole familial qui est lui intensif en emplois. 


5 millions par an pour un projet néfaste ?

Un mécanisme de soutien public spécifique a été mis en place pour Sibiom. Il est extrêmement complexe mais au final, il fait porter le soutien au marché des certificats verts développé en Wallonie pour promouvoir l’électricité renouvelable. D’après les calculs d’IEW, le soutien tournerait autour de 60€ du MWh de gaz produit, soit un soutien annuel estimé de 5,8 millions d’euros répercutés sur la facture d’électricité des wallons et des PMEs.  

Un tel soutien est injustifiable étant donné l’impact environnemental et social du projet tel qu’il existe aujourd’hui. Nous estimons qu’un tel investissement public doit être justifié par un réel avantage pour l’intérêt collectif…

Revoir totalement le projet

IEW se mobilise depuis 2 ans pour que ce projet soit revu. Hélas sans succès. SIBIOM a reçu son permis unique le 20 septembre dernier.

Toutefois le permis a été octroyé en plein dans la période de transition entre les 2 gouvernements : il a été octroyé le 20 septembre et le Gouvernement a été mis en place le 13 septembre. Nous espérons que le nouveau Gouvernement wallon reprendra la main.


  1. Pour les plus interessés, vous pouvez trouver un relevé de la littérature scientifique sur le sujet sur le site de Transport & Environnement