Il faut soutenir la participation citoyenne dans les projets éoliens

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De nombreux projets éoliens en Wallonie intègrent une forme ou une autre de participation citoyenne et/ou communale. Les montages possibles sont multiples. Un rapport, réalisé par IEW en partenariat avec l’APERe et avec le soutien de la Wallonie, a dressé une typologie de ces formes de participation financière citoyenne et communale dans les projets éoliens et présente également plusieurs modèles innovants en matière de participation citoyenne et/ou communale en Wallonie et ailleurs. En voici un résumé.

Pourquoi s’intéresser à la participation financière des citoyens et des communes ?

Premièrement, l’association entre les collectivités locales, les citoyens et les entreprises locales favorise une appropriation des enjeux énergétiques et l’atteinte des objectifs en matière d’énergies renouvelables tout en garantissant de hauts niveaux de qualité grâce à la connaissance du territoire (notamment en matière de respect de la biodiversité et des paysages).

D’aucuns voient également la participation des citoyens et des pouvoirs locaux comme une solution face aux problèmes d’acceptabilité des projets éoliens. Selon Bauwens (2005, p. 15), « la propriété coopérative des éoliennes présente des caractéristiques susceptibles de faciliter cette acceptabilité sociale, telles qu’une distribution juste des coûts et des bénéfices liés aux projets, une implication des citoyens dans les processus de décision et l’instauration d’une relation de confiance entre le développeur et les résidents ».

Enfin, la participation permet aussi de maximiser les retombées financières au niveau local. Une étude, réalisée en 2016 par l’Institute for Distributed Energy Technologies (IdE) pour le compte de Stadtwerke Union Nordhessen (SUN), a chiffré la différence de revenus pour une communauté locale selon qu’elle soit propriétaire ou non d’un projet éolien.

La valeur ajoutée pour la communauté locale dépend de plusieurs facteurs : la propriété du sol, la propriété des éoliennes, les investisseurs, l’existence d’un appel offre qui privilégie des prestataires locaux, la manière dont sont distribués les revenus.

Les résultats de l’étude montrent que, pour un parc éolien de 7 turbines de 3 MW chacune, 7 millions d’euros reviendraient à la communauté locale si le projet était développé par une entreprise internationale contre 58 millions d’euros si le projet était développé localement.

Figure : IDE, 2016 dans Vantsinjan, 2019, p. 72

Les formes possibles de participation financière des communes dans les projets éoliens

L’UVCW a récemment publié une typologie avec les bases juridiques des différents modèles de participation des communes dans les projets éoliens : « L’implication des communes dans le développement de projets éoliens : limites et opportunités » par Lambert et Vander Borght[1].

Plusieurs formes juridiques existent pour les communes qui souhaitent participer financièrement à un projet éolien sur leur territoire:

  1. La création ou la participation à une société d’exploitation. L’actionnariat peut être partagé entre des communes, des sociétés privées, des investisseurs institutionnels, des coopératives citoyennes, des citoyens. Ces sociétés d’exploitation peuvent prendre la forme de sociétés anonymes (SA), de sociétés privées à responsabilité limitée (SPRL) ou de sociétés coopératives à responsabilité limitée (SCRL).
  2. La création d’une intercommunale ou l’extension de l’objet social d’une intercommunale existante. Les intercommunales permettent d’associer, également, des acteurs locaux (personnes de droit public ou privé) mais elles sont moins indiquées pour la participation directe des citoyens à la décision (Praillet, 2018[2]). En effet, toute décision au sein d’une intercommunale est soumise au vote majoritaire des communes. Les citoyens sont donc dans une position minoritaire.
  3. La création d’une association de projet par un nombre limité de communes. Il s’agit d’une formule souple qui permet d’associer un nombre limité de communes ainsi que toute autre personne de droit public ou de droit privé. Mais les communes doivent garder un minimum 51% du capital social, ce qui peut s’avérer contraignant pour le financement de projets éoliens intensifs en capital. Par ailleurs, la durée maximale de 6 ans pour ce type d’association de projets, même si elle est reconductible, ne correspond pas à la durée de vie d’un projet éolien.

La création ou la participation à une société d’exploitation est la forme la plus courante de participation communale. Nous n’avons pas connaissance, à ce jour, de la création d’une société de projet ou d’une intercommunale entre communes voisines pour investir dans un projet éolien en Wallonie.

Les formes possibles de participation citoyenne dans les projets éoliens

La participation financière des citoyens dans l’éolien peut revêtir deux grandes formes : la société coopérative et le crowdlending.

  • La société coopérative

Le montage coopératif est certainement la forme la plus connue d’implication.

Elle est assez bien présente dans le paysage wallon et encouragée par le Cadre de Référence éolien, qui prône une participation de 24,99% du capital des projets pour les communes, intercommunales et CPAS et 24,99% du capital des projets pour les coopératives agrées CNC ou à finalité sociale ayant la production d’énergie renouvelable dans leur objet social.

Les citoyens (et éventuellement les communes ou des personnes morales) achètent des parts dans une société commerciale au capital variable qui prend la forme d’une société coopérative à responsabilité limitée (SCRL), éventuellement, à finalité sociale.

L’idéal coopératif se base sur des valeurs qui sont reprises dans les 7 principes coopératifs de l’Alliance Coopérative Internationale :

  1. Adhésion volontaire et ouverte à tous,
  2. Pouvoir démocratique exercé par les membres,
  3. Participation économique des membres,
  4. Autonomie et indépendance,
  5. Éducation, formation et information,
  6. Coopération entre les coopératives,
  7. Engagement envers la communauté.

Néanmoins, on observe que la finalité des sociétés coopératives n’est pas toujours en accord avec la charte de l’Alliance Coopérative Internationale. Autrement dit, en pratique, l’idéal coopératif n’est pas toujours le moteur du choix de la forme commerciale « SCRL ».

En effet, la législation belge fait de la SCRL un véhicule intéressant pour l’investissement dans des projets d’énergie renouvelable comme l’éolien : la variabilité du capital répond au type de récolte de fonds en continu. Pour d’autres formes commerciales de sociétés (SA, SPRL), les variations de capital doivent être décidées en assemblée générale. Et l’exemption d’émission de prospectus financier auprès de la FSMA (Financial Services and Market Authority ) représente un gain financier de 8 000 à 10 000€ .

En fonction des choix de gouvernance posés par les acteurs, la coopérative peut adopter plusieurs formes. Il existe des coopératives citoyennes, communales ou industrielles. Au carrefour de ces 3 types, des sociétés mixtes peuvent exister[3].

Pour se démarquer des coopératives industrielles, des coopératives citoyennes ont spécifié ces principes, en créant leurs propres listes de critères, par exemple pour l’adhésion à la fédération RESCoop.Wallonie ou pour figurer sur le portail Coopérative à la Carte. Notons qu’il existe des coopératives citoyennes qui ne se retrouvent pas dans ces plateformes comme Energie 2030, créée en 1995 déjà, et qui propose aussi la fourniture d’électricité via la SA Energie 2030 Agence.

Figure : Coopératives membres de REScoop Wallonie.
Source : https://www.rescoop-wallonie.be/

  • Le crowdlending

Le crowdfunding est un moyen d’investir collectivement dans une entreprise ou un projet au travers de plateformes internet.

On distingue plusieurs catégories de crowdfunding :

  • Le financement en capital qui est un achat d’actions d’une entreprise ;
  • Le financement sous forme de prêt (dit crowdlending), avec un remboursement périodique de l’investisseur ;
  • Le financement sous forme de dons avec ou sans contrepartie.

C’est plutôt le crowdlending qui est adapté au contexte de l’éolien. Ainsi, le financement en capital se fera généralement directement par souscription de capital dans la société d’exploitation ou souscription de parts dans la coopérative. Le financement via des dons ne semble pas non plus approprié pour deux raisons. Primo, les projets éoliens nécessitent une importante levée de fonds qu’il est difficile d’atteindre en se basant uniquement sur des dons. Secundo, ces projets présentent une rentabilité, ce qui implique que les personnes intéressées par une implication financière souhaitent une rémunération.

Avec la généralisation du crowdlending et son encadrement légal progressif, des plateformes comme Ecconova ou Spreds sont apparues sur le marché pour faciliter la mise en contact entre porteurs de projets et investisseurs.

Plusieurs opérations de crowdlending ou d’émissions d’obligations dans le secteur de l’éolien ont été mises en place, ces dernières années, en Wallonie (ENECO à Boneffe (300 000€), Ecconova à Assesse (100 000€), Neufchâteau (300 000€) et des projets de refinancement de fonds propres pour les parcs déjà existants de Houyet et Walhain-Gembloux).

Une société peut, également, financer son projet via une émission d’obligations, qui est un titre de dette spécifique, avec un remboursement périodique. Dans ce cas, la publication d’un prospectus est imposée par les autorités de contrôle bancaire (et cela présente un coût de l’ordre de 8 000 à 10 000€), sauf dans le cas d’une structure sans but lucratif.

Conclusion

Il existe une multitude de modèles possibles pour la participation financière des citoyens et des communes dans les projets éoliens en fonction des caractéristiques du projet et de la volonté des acteurs en présence. Dans la pratique, les modèles retenus pour l’exploitation des parcs éoliens wallons sont, généralement, uniques.

En Wallonie, la part des projets éoliens revendue aux mains des citoyens ou des communes  citoyennes est, en général, en deçà du taux recommandé dans le Cadre de référence éolien. On considère qu’aujourd’hui (statistiques au 30/06/18), 3,8% de la puissance éolienne installée en Wallonie est aux mains des coopératives. Cette part s’élève à 1,1% pour les communes et 5,1% pour les intercommunales[4] (APERe, 2018). Le Cadre de référence, n’offre pas un soutien suffisant dans les négociations avec les promoteurs qui sont en position de force. Du point de vue de coopératives citoyennes, « c’est le pot de terre contre le pot de fer ». Il y aurait lieu de davantage soutenir la participation citoyenne et/ou communale au vu des bénéfices qu’elle apporte pour les communautés locales.

[1] LAMBERT M. et VANDER BORGHT L. (2018) : « L’implication des communes dans le développement de projets éoliens : limites et opportunités », analyse UVCW. Consulté le 19/2/19 sur http://www.uvcw.be/articles/3,111,227,227,4074.htm

[2] PRAILLET F. (2018) « Quelles formes juridiques pour un service public-citoyen local de l’énergie », article paru dans Renouvelle le 13 avril 2018. Consulté le 5/2/19 sur http://www.renouvelle.be/fr/debats/quelles-formes-juridiques-pour-un-service-public-citoyen-local-de-lenergie

[3] Voir aussi de SCHOUTHEETE C., 2018, « Eolien : coopératives citoyennes vs coopératives industrielles », https://www.canopea.be/eolien-cooperatives-citoyennes-vs-cooperatives-industrielles/

[4]              La part intercommunale reprend les parts de puissance issues de l’accord des intercommunales de développement économique avec Engie au travers de Wind4Wallonia, ainsi que ELICIO du groupe Nethys.

Cécile de Schoutheete

Anciennement: Développement durable & Énergie