Kyoto : le Gouvernement Wallon rate le rendez-vous avec les citoyens

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Dans le cadre du Protocole de Kyoto, l’Union européenne s’est engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 8% entre 1990 et 2008-2012. Elle a dans ce contexte mis en place un instrument destiné à permettre aux industries de réduire leurs émissions à moindre coût : l’ « emission trading sheme », marché européen d’échange de droits d’émission. Ce marché est organisé au niveau européen par la Directive 2003/87/CE (Directive Emission Trading ou ET), laquelle a été transposée en droit wallon par le Décret du 10 novembre 2004 instaurant un système d’échange de quotas d’émissions de gaz à effet de serre, créant un Fonds wallon Kyoto et relatif aux mécanismes de flexibilité du Protocole de Kyoto.

Le Gouvernement wallon est donc tenu de déterminer une enveloppe (appelée « bulle ETS ») de quotas d’émissions de CO2 pour une période donnée, et de les allouer aux quelques 130 installations concernées par la Directive ET en Wallonie (sauf exception, toutes les installations de combustion d’une puissance thermique supérieure à 20MW). Sont particulièrement concernés les secteurs de l’énergie, de la production et la transformation des métaux ferreux, des industries minérales, des installations industrielles visant la production de pâte à papier à partir de bois ou d’autres matières fibreuses.
Si les émissions de CO2 d’une installation industrielle au cours de l’exercice sont inférieures au niveau des quotas qu’elle s’est vue octroyer, elle pourra les revendre sur le marché. Si par contre ses émissions sont supérieures au nombre de quotas qu’elle possède, elle devra en acquérir auprès d’installations excédentaires au prix du marché, au risque de se voir imposer une amende par tonne de CO2 émise et non couverte par l’annulation d’un quota correspondant.
Pour chaque période de référence, la Région wallonne doit établir un plan d’allocation de quotas. Si le premier plan d’allocation (qui courait de 2005 à 2007) s’apparente à un phase d’apprentissage, le second plan (dont un projet est actuellement soumis à enquête publique en Région wallonne) portera quant à lui sur la période d’engagement du Protocole de Kyoto, à savoir 2008-2012. Les enjeux sont donc importants.

Comme le regrettaient les association environnementales à l’époque, le premier plan d’allocation était caractérisé par une large sur-allocation de quotas aux installations. Ainsi, en 2005, 4,8 millions de quotas alloués n’ont pas été utilisés (ce qui représente aux prix actuels du marché pas moins de 76 milliosn d’euros). Bien que le présent projet de plan soit plus ambitieux que son prédécesseur, les associations environnementales craignent une fois encore une surallocation de quotas (pour plus d’informations, lire l’avis d’Inter-Environnement Wallonie, disponible ci-joint et sur le site www.iewonline.be). Ce projet de plan prévoit une bulle de 95,92 millions de tonnes équivalent CO2 :

 90,24 millions de tonnes équivalent CO2 aux installations existantes ;

 5,6 millions de tonnes équivalent CO2 de réserve pour les nouveaux entrants ;

soit une moyenne de 23,98 millions de tonnes par an (22,56 Mt pour l’ensemble des secteurs et 1,4 Mt pour la réserve des nouveaux entrants).

A noter que le Plan national d’allocation de quotas sera compilé à partir des différents plans régionaux belges, et soumis également à consultation publique.

Comme l’exige la Directive ET, le projet de plan régional d’allocation (ci-après, le PRA) couvrant la période 2008-2012 est soumis à la consultation du public et des instances de consultation, à savoir le conseil économique et social de la Région wallonne (CESRW) et le conseil wallon de l’environnement pour un développement durable (CWEDD).
Le calendrier prévu pour cette consultation est extrême serré : elle a démarré le 26 juin 2006 et se terminera le 12 juillet 2006. L’adoption du plan par le Gouvernement se fera le lendemain de la clôture de la consultation, soit le 13 juillet 2006. La consultation se fait essentiellement via le site portail de la Direction générale des Ressources naturelles et de l’Environnement (DGRNE) sur lequel l’internaute peut télécharger un formulaire de réponse (http://environnement.wallonie.be). Le CWEDD et le CESRW, sommés de rendre leur avis sur un sujet extrêmement technique en quelques jours, sont logés à la même enseigne que le public. A titre illustratif, le CWEDD (dans lequel les associations de protection de l’environnement sont représentées), saisi d’une demande d’avis en date du 3 juillet, a rendu son avis le 6 juillet, soit 3 jours plus tard !

Comment dans ces conditions parler de consultation ?

Pourtant, la directive ET prévoit bien que « le plan comprend des dispositions permettant au public de formuler des observations et contient des informations sur les modalités en vertu desquelles ces observations seront dûment prises en considération avant toute prise de décision sur l’allocation des quotas »(1). Au vu des délais extrêmement courts entre la clôture de l’enquête publique et l’approbation du document par le Gouvernement, les associations environnementales s’interrogent sur la considération qui sera accordée aux remarques introduites dans le cadre de l’enquête publique. En effet, la directive stipule que « ce plan est fondé sur des critères objectifs et transparents, incluant les critères énumérés à l’annexe III, en tenant compte des observations formulées par le public »(2).
De même, le décret du 10 novembre 2004 habilite le Gouvernement à adopter « les modalités d’élaboration et de consultation du plan, dont la diffusion sur le site internet du service qu’il désigne ». Plus loin, le décret précise que le plan tient compte des observations formulées(3). Malheureusement et contrairement à ses voisines flamande et bruxelloise, la Région wallonne n’a toujours pas adopté ces modalités d’élaboration et de consultation du plan, laissant ainsi à son Gouvernement une page blanche.
Pratiquement, c’est la Région flamande qui se présente comme le meilleur élève de la classe belge(4) puisque des trois Régions, c’est la seule qui s’est donnée le temps d’organiser la consultation en temps utile (l’enquête s’est déroulé durant tout le mois d’avril) et d’en recueillir les fruits.
Car c’est bien de cela qu’il s’agit : quel est le sens d’une consultation éclair sur un sujet très technique, durant les grandes vacances d’été, sans même se laisser le temps d’examiner les observations ? En outre, le projet de PRA fournissait à la Région wallonne l’occasion de mener un véritable débat et une sensibilisation du public à la problématique des gaz à effet de serre et des changements climatiques. Il offrait au Gouvernement la possibilité de rappeler au public les enjeux d’une politique climatique ambitieuse et de rappeler que si les entreprises sont souvent pointées du doigt, ce sont les secteurs domestique et du transport qui ont vu leurs émissions le plus augmenter depuis 1990(5). Le marché d’échange des quotas d’émission devrait donc s’insérer dans une politique climatique globale qui agisse à tous les niveaux de la société. Ce n’est malheureusement pas suffisamment le cas.

Dans ces circonstances, il est difficile de ne pas conclure aux occasions ratées, aux rendez-vous manqués.

(1) Annexe III, point 9.

(2)Article 9, § 1.

(3)Article 3, §6.

(4)Avec certaines réserves toutefois. Citons un exemple qui vaut également pour la Région wallonne : elle n’indique pas la répartition des quotas par installations et ce, contrairement à la recommandation de la commission européenne (annexe II, critère n°10, Communication de la commission –orientations complémentaires relatives aux plans d’allocation de la période 2008-2012 du système d’échange de quotas d’émissions », COM (2005) 703 final.

(5) Respectivement, + 20,4 et +24,5% (tableau de bord de l’environnement, 2005).

Pour en savoir plus, consulter ci-joint l’avis remis par IEW dans le cadre de l’enquête publique.
Le projet de plan d’allocation est disponible sur http://environnement.wallonie.be

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