La chasse aux animaux domestiques…

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Comme promis, nous vous livrons ici une nouvelle « édifiante » histoire de chasse…

Faisant suite à un article relatif aux lâchers de gibier, un lecteur témoigne de ce qui fait son quotidien :

«  J’habite depuis toujours le Condroz, une région vallonnée alternant bois, plaines céréalières et prairies, un biotope présentant une belle variété biologique. Je précise que je ne suis plus chasseur, mais nullement opposé à la chasse pour autant que celle-ci respecte une éthique stricte tendant à un équilibre permanent faune/flore.

Vous parlez de dérives. J’en vois hélas deux dans mon voisinage immédiat. Quelques chiffres pour illustrer mon propos : Ce « chasseur » loue un territoire, notamment pour le faisan, qui doit compter grosso modo entre 200 à 300 hectares. D’après plusieurs sources, entre 10.000 et 20.000 faisans sont lâchés chaque automne, ainsi que plusieurs milliers de canards sur les 4 étangs loués pour cette même chasse.

Je vous invite à passer chez moi en automne mais venez-y en roulant prudemment : vous risqueriez de percuter un faisan, comme cela m’est déjà arrivé. Chaque jour, au minimum 30 à 40 faisans passent sous mes fenêtres, faisant la navette entre deux cours de ferme où ils se nourrissent. Un fermier voisin a d’ailleurs été obligé de faire appel à un chasseur pour éliminer plusieurs dizaines de faisans qui se nourrissaient tranquillement dans les mangeoires du bétail, empêchant celui-ci de se nourrir correctement (les faisans grattaient dans les mangeoires comme des poules domestiques). L’an dernier, trois coqs se sont écrasés sur mes fenêtres, sans les casser heureusement. De même, je me souviens d’un coq me suivant continuellement lorsque je tondais la pelouse : il confondait manifestement le quad du garde chasse chargé de le nourrir avec mon mini-tracteur…

Lors des battues (jusqu’au 31 janvier !), c’est impressionnant d’entendre lors de chaque enceinte des salves continues de plusieurs centaines de coups. C’est la même chose pour la chasse aux canards relâchés et dont les déjections polluent le ruisseau, en aval. Et je vous passe les cancanements qui troublent le repos nocturne des habitants.

Sur base des lâchers, la densité des faisans atteint au minimum 40 faisans par hectares. Il n’est plus question de biodiversité mais de monoculture d’une espèce au détriment de tout équilibre biologique. Par ailleurs, ces oiseaux ne semblent pas se reproduire. C’est en effet exceptionnellement que je vois l’un ou l’autre faisandeau en été.  »

Après de tel constat, ce citoyen fait quelques propositions de bon sens qu’il nous semble utile de restituer.

 » Il ne devrait pas être très compliqué de légiférer afin d’empêcher de tels excès qui nuisent gravement à l’équilibre biologique et aux intérêts des vrais chasseurs. Par exemple, toute réintroduction ou lâcher devrait faire l’objet d’un permis préalable qui devra préciser le nombre d’oiseaux réintroduits, en fonction de la capacité d’accueil du territoire.

Tout éleveur professionnel devrait avoir une licence et tenir un registre précis des oiseaux élevés et vendus, consultable à tout moment par les autorités responsables. Enfin tous les oiseaux lâchés devraient être bagués, permettant ainsi une traçabilité et un contrôle réels.

Je pense que si les associations de chasseurs veulent garder un certain crédit, il est urgent qu’elles saisissent à bras le corps cette problématique , quitte à faire le ménage en leur sein… »

Décryptage

Ce récit n’est pas, loin s’en faut, une exception. Parcourir la campagne wallonne en cette période peut vous faire vivre de telles expériences. Le même faisan qui, lors de la balade du dimanche, vient picorer dans la main du promeneur sera quelques jours plus tard, tirer par un chasseur convaincu de tirer une espèce sauvage. Dans certains cas, il faudra courir et houspiller ces faisans habitués à l’homme pour qu’ils daignent s’envoler et donner la sensation au chasseur de chasser plutôt que d’être à l’abattoir…

Il va de soi que de tels lâchers ne permettront jamais un repeuplement de nos campagnes par ce petit gibier dépendant de l’homme. La campagne, qu’elle que soit sa capacité d’accueil pour le petit gibier relâché, fait office de décorum à une chasse qui n’est rien d’autre qu’un folklore au droit d’entrée élevé. Ces pratiques d’un autres âges sont parfaitement légales même si elles sont contraires à l’éthique. Le même faisan, élevé au grain de maïs dans un élevage industriel, peut finir avec des plombs dans l’aile ou passer par un abattoir au norme d’hygiène stricte et respectueuse d’une certaine éthique. Il est inadmissible qu’aujourd’hui l’animal puisse être ainsi le jouet de l’Homme.

Position de la Fédération

La Fédération soutient une chasse naturelle au sein de laquelle les lâchers sont limités aux seuls lâchers de repeuplement dans le cadre de projets de restauration des biotopes. Les lâchers ne peuvent en effet palier le manque d’attrait des plaines agricoles pour la petite faune ouverte à la chasse. Sur ce point, la Fédération considère que le monde de la chasse peut et doit contribuer à une amélioration des biotopes au sein des plaines agricoles mais qu’il importe surtout de renforcer les politiques incitants et contraignants l’agriculture à laisser davantage de place à la biodiversité.

La Fédération plaide pour que les lâchers de repeuplement ne soient autorisés que dans le cadre de plans d’aménagement de territoires de chasse de taille suffisante pour maintenir une population viable. L’interdiction de la chasse à l’espèce considérée doit y être effective pendant un minimum de 3 ans. Cette période serait mise à profit pour confirmer l’ancrage et la restauration de populations en bon état de conservation, qui puissent être validées par l’arrêt des lâchers de repeuplement pendant une année au moins. L’origine des animaux lâchés devrait génétiquement correspondre, autant que possible, aux populations wallonnes.

Dans le souci de suivre l’évolution des populations, il faut également pouvoir discerner les populations naturelles des individus issus du repeuplement. Pour ce faire, tout lâcher devrait être conditionné au baguage de l’oiseau afin d’être comptabilisé et évalué dans le bilan des conseils cynégétiques

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Lionel Delvaux

Anciennement: Nature & Ruralité