La rentrée des potaches

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C’est la rentrée ! Cartable au dos et bonne résolutions en tête, les élèves ont repris le chemin de l’école et retrouvé avec plus ou moins de bonheur les matières, les profs et les murs de la classe.
C’est la rentrée ! Un tas de dossiers que l’insouciance des vacances nous avait un peu fait oublier, nous reviennent dès avant la chute des feuilles et des marrons.

Bouge

Le zoning de Bouge, par exemple. Souvenez-vous, il s’agit d’une des zones affectées à l’activité économique en vertu du « plan prioritaire », cette opération qui avait débouché, en 2004, sur 34 révision de plans de secteur créant 34 nouvelles zones ou extensions de zones. Les terrains sont en ZAEM au plan de secteur ; ils font actuellement l’objet d’une enquête publique relative à l’expropriation et à la reconnaissance du périmètre au titre de l’expansion économique. La zone de Bouge devrait accueillir des bureaux. Elle se trouve à la sortie de l’autoroute, tournée vers celle-ci et non pas vers la ville de Namur, proche de celle-ci sans l’être assez pour que les travailleurs de la zone puissent aller chercher en ville un sandwich ou un journal. Elle ne sera accessible quasiment qu’en voiture. Elle occupe des terres agricoles qui figurent parmi les meilleures de la Région. Et elle pose question sur le plan des politiques que la Région entend mener en matière d’activités économiques : le contribuable doit-il vraiment financer, via les subventions publiques à l’achat des terrains et à leur équipement, les immobilières qui construiront là des bureaux ? D’autres réalisent de semblables opérations en des lieux plus adéquats (les centre-villes) sans aucun financement public, le marché étant suffisamment porteur pour rencontrer la demande en cette matière. Où est l’intérêt public d’une telle opération? Invité à prendre attitude sur le dossier, le Conseil communal de Namur a refusé le projet tout en rappelant que les terrains concernés se trouvent bel et bien en zone d’activité économique. Il reste au Ministre à se prononcer. On espère donc un sursis pour la zone de Bouge ; un sursis de plus, car ces lieux ont, sur les trente dernières années, vu passer les projets les plus fantasques rêvés par le monde politique namurois, de la caserne des pompiers au palais des congrès. Ils ont conservé jusqu’ici leurs champs. Jusqu’à quand ?

Comines

Autre région, autre zone… A Comines, l’autorité communale rêve depuis longtemps d’implanter un parc d’activités aux Quatre-Rois, lieu-dit situé au nord de la voie rapide qui, à cet endroit, sépare l’agglomération de Warneton au sud d’une vaste plage agricole au nord, plage que la zone d’activités viendrait donc écorner. Une révision de plan de secteur a été mise en route ; dans son état actuel, elle inscrit 48ha en zone d’activité aux Quatre-Rois ainsi qu’une zone industrielle à Bas-Warneton (24ha). Ce projet n’avait pas abouti à la fin de la législature précédente ; il a donc fallu le remettre sur le métier pour le doter des inévitables compensations requises, depuis le décret du 3 février 2005, par l’article 46 §1er, 3° du Code. Les compensations en question seront fournies par la briqueterie de Ploegsteert, dont les vastes zones exploitées ont été converties en une réserve naturelle d’intérêt, d’ailleurs couronnées par le prix européen Ford en 1995 : une surface équivalente aux zones d’activité à créer, actuellement située en zone d’extraction au plan de secteur, passera en zone naturelle (pour l’essentiel). Parallèlement la briqueterie elle-même est demandeuse d’une extension de sa zone industrielle pour agrandir son bâtiment et ses aires de stockage ; son dossier vient donc rejoindre celui des compensations des deux zones d’activité. Nous voilà donc avec deux dossiers au découpage saugrenu : d’un côté deux zones d’activité, très contestées par les agriculteurs et les environnementalistes ; de l’autre, l’extension de la briqueterie, non contestée celle-là, et assortie des compensations liées au dossier précédent… Distraction, manque de rigueur, ou astuce pour faire, du dossier des briqueteries, un paravent pour les deux zones d’activité dont personne ou presque ne veut ?

Lessines et le snow-games

Snow-Games revient aussi sur le devant de la scène. Encore un petit effort de mémoire : Snow-Games, c’est ce projet fou de créer des pistes de ski dans une carrière abandonnée de Lessines, la carrières Cosyns. Le demandeur de ce projet, Jean-Marc Wellens, n’a jamais eu le premier franc pour mener à bien cette grandiose affaire. Pour concrétiser le projet, il a fallu faire un plan communal dérogatoire au plan de secteur (PCAD), ce qui fut fait : le Ministre Foret a signé ledit plan le 28 octobre 2002, créant ainsi une zone de loisirs sur la carrière, située au plan de secteur en zone d’extraction. Le demandeur a obtenu un permis unique de la Ville de Lessines d’abord puis, sur recours, du Ministre Antoine en mai 2006. On le sait, tout permis unique est périmé au bout de deux ans si les travaux ne sont pas significativement commencés, sauf à ce que soit demandée une prolongation d’un an. Monsieur Wellens a demandé cette prolongation et l’a obtenue mais voilà : entre-temps, le PCAD était probablement périmé lui aussi. En effet lors de la réalisation de ce PCAD, la Commission régionale d’aménagement du territoire (CRAT) avait demandé que la carrière revienne en zone d’extraction si le projet n’était pas réalisé dans les cinq ans et les prescriptions littérales du PCAD, qui ont valeur réglementaire, reprennent cette disposition1. Dans ces conditions, le permis pouvait-il être prolongé ? Non soutiennent les naturalistes appuyés par IEW, très attaché à la grande valeur naturelle de cette ancienne carrière ; oui soutient le promoteur qui considère que les prescriptions d’un PCA n’ont aucune valeur à cet égard… Prudent, il entame toutefois les travaux afin d’éviter les contestations futures. Pas question d’édifier les pistes de ski naturellement, puisque les fonds ne suivent pas ; en attendant l’investisseur cent fois promis mais dont nul n’a jamais vu la tête, il fait remblayer avec des inertes – ça ne coûte rien – la carrière Notté, petite carrière voisine qui doit servir de parking si le projet se réalise. Oui mais… si le PCA est caduc, le renouvellement du permis a perdu toute base légale et les travaux sont eux aussi illégaux… Suite du feuilleton dans nos prochaines livraisons.

Un appui politique rétrograde

Voilà ! Trois dossiers, trois affaires très différentes… Un fil toutefois les relie : ces dossiers bénéficient d’appuis vigoureux dans le monde politique ; pas forcément des élus d’ailleurs, mais enfin des appuis suffisants pour qu’on les voie revenir encore et toujours sur le devant de la scène. Quels intérêts derrière ces zones dont l’utilité est contestable, derrière ces projets de loisirs catastrophique pour l’environnement, quand ils ne sont pas foireux ? Faire tourner l’argent, encore et toujours, pour doper l’économie : voilà le modèle dont certains n’arrivent pas à revenir, par inertie culturelle sans doute plus que par conviction. Aujourd’hui la préoccupation environnementale a pénétré le discours, et il n’est quasiment pas de jour où l’on n’entende à ce propos quelque belle déclaration. Elle n’a toujours pas réellement pénétré les esprits ni les actes : un petit coup d’½il sur les dossiers wallons de cette rentrée 2008 suffit à le montrer.

Canopea