La Science est grande et le Politique est son prophète

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Conjuguant sa discipline de prédilection avec une approche pédagogique résolument positiviste et une philosophie nourrie de bon sens paysan, mon professeur de mathématiques se plaisait à corriger mes errements en commentant : « Ne vous en faites pas, on n’apprend bien que de ses erreurs. La prochaine fois, vous ne vous ferez plus avoir… » Et, ma foi, il n’avait pas tort. Enseigné de mes fautes et de leurs conséquences, j’évitais généralement de les reproduire.

Il semble malheureusement que la collectivité humaine éprouve quelque difficulté à intégrer ce précepte et s’obstine à reproduire des schémas erronés dont l’échec lui a pourtant été dûment signifié. Ainsi, il est aujourd’hui acquis que nous sommes confrontés à une crise environnementale majeure résultant d’une exploitation outrancière de la Planète. Fort de ses connaissances scientifiques et de sa puissance technologique, l’Homme s’est senti « Maître du Monde », méprisant les équilibres vitaux pour asservir la terre à ses besoins jusqu’à ce que la Nature lui rappelle ses limites. Cette situation aurait dû lui apprendre l’humilité, lui inculquer le respect du monde dans lequel il évolue et duquel il dépend, l’inciter à développer une autre relation à son environnement que cette domination scientifico-technologique. Au lieu de cela, le sentiment perdure que notre salut viendra de la technique, de la soumission des éléments rebelles…

John Holdren, conseiller scientifique en chef de Barack Obama, vient ainsi d’évoquer la possibilité de recourir aux technologies de « géo-ingénierie » pour lutter contre les changements climatiques. Les solutions envisagées vont de l’installation dans l’espace de miroirs qui réfléchiraient la lumière du soleil, à la fertilisation des océans avec du fer afin de favoriser la croissance des algues pouvant capturer le dioxyde de carbone de l’atmosphère en passant par l’ensemencement de nuages qui renverraient les rayons du soleil vers l’espace…

Certes, il ne s’agit encore que d’une hypothèse et le Bureau de Politique Scientifique et Technologique (OSPT) que dirige Holdren s’est empressé de nuancer le propos en précisant que « l’objectif principal de l’administration – Obama, NDLR – est encore de rechercher la mise en place de législations en matière d’énergie qui peuvent nous rapprocher d’une économie basée sur une énergie propre et peuvent créer des emplois verts tout en réduisant la dépendance au pétrole venant de l’étranger ». Il n’empêche : le simple fait d’évoquer une telle piste traduit un état d’esprit d’autant plus inquiétant que Holdren lui-même avait affirmé il y a moins de deux ans, dans un discours à l’occasion de la réunion annuelle de l’Association Américaine des Sciences, que « la croyance dans les miracles de la technologies est généralement une erreur ». La lucidité d’alors semble avoir cédé le pas à une confiance aussi aveugle que dangereuse.

C’est en jouant les apprentis sorciers, en usant et abusant de nos joujoux technologiques sans nous soucier de leurs effets secondaires que nous en sommes arrivés à la situation de crise actuelle. En interférant directement sur des processus naturels, la « géo-ingénerie » est potentiellement porteuse de dommages dont nous ne pouvons même pas imaginer l’ampleur. Céder à cette facilité est donc la dernière chose à faire… même si cela peut paraître plus simple que d’opérer une remise à plat et une révision en profondeur de nos comportements. Avec la « géo-ingénerie » (mais aussi en investissant des sommes astronomiques dans des projets tels qu’ITER qui veut laisser croire en une énergie sans limite grâce à la fusion nucléaire), nous refusons de regarder la réalité en face et voulons continuer à croire que tout peut continuer comme avant. C’est oublier que, pour reprendre les paroles d’Einstein, « il n’est pas possible de résoudre un problème avec la même disposition d’esprit que celle qui l’a créé… ».