La SNCB « achève » (provisoirement?) le Comité consultatif des usagers

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Le Comité consultatif des usagers auprès de la SNCB (CCU) est au plus mal ! Philippe Janssens, membre éminent du CCU depuis sa mise en place en 1996 (d’abord en qualité de vice-président, puis de président), vient de démissionner de sa fonction de président. Cette mauvaise nouvelle vient mettre le point d’orgue à une crise trouvant ses origines dans des moyens inadéquats, un manque quasi total de reconnaissance et des relations que nous qualifierons pudiquement de « difficiles » entre le CCU et la SNCB. La crise s’est amplifiée en 2008, lorsqu’apparut une volonté du Holding SNCB « d’instrumentaliser » le CCU et que les « vexations » se multiplièrent (demandes d’avis formulées oralement, convocation à des réunions avec la SNCB arrivant après date, demande d’avis urgent formulée – oralement – deux jours avant les vacances d’été du président, … ).

Le président avait exposé ces problèmes au cours d’une audition à la Commission Infrastructures de La Chambre le 22 octobre 2008. L’accueil favorable des parlementaires et les interpellations par ceux-ci des deux ministres concernés (Ministre des Entreprises publiques et Secrétaire d’Etat à la Mobilité) n’ont malheureusement pas conduit à la mise en place de solutions structurelles fortes, à la hauteur des problèmes identifiés. Dès lors, face à un horizon bouché, Monsieur Janssens a dû se résoudre à démissionner. Eu égard à la qualité et la quantité de travail abattu– de manière tout à fait bénévole – par le président au cours des années écoulées et à ses grandes qualités humaines, il s’agit sans conteste d’une très mauvaise nouvelle.

L’objectif légal du CCU est avant tout de remettre des avis sur demande du groupe SNCB ou du gouvernement fédéral. En 13 ans d’existence, les demandes d’avis se comptent sur les doigts d’une main. L’immense majorité des 254 avis remis par le CCU (consultables sur le site du Service public fédéral Mobilité et Transports l’ont donc été de sa propre initiative. Pour l’exécution de cette mission officielle, le législateur n’a pas prévu de moyens adéquats. Le travail est donc réalisé par des bénévoles (et singulièrement le président). Avec l’effet d’épuisement que cela suppose. « Le fil tendu du volontariat ne risque-t-il pas de se rompre un jour? » s’interrogeait le président du CCU le 02 janvier 2008. On connaît maintenant la réponse… les prémices de la rupture étant d’ailleurs quasi « palpables » ces derniers temps, comme en témoigne l’indicateur « nombre d’avis sur une année » (figure).

Le quotidien du CCU fut bien difficile au cours de ses treize années d’existence. Pas de reconnaissance du travail accompli. Pas ou peu de retour sur les avis, pas de dialogue digne de ce nom, ni de la part du gouvernement fédéral, ni de la part de la SNCB. Cette dernière, dans le cas d’avis allant à l’encontre de sa politique, ou bien ne répondait pas aux problèmes soulevés, ou bien « tournait autour du pot », cachant sous la rhétorique son peu de considération pour les avis émis. Selon l’analyse du Holding SNCB, le CCU manquerait de professionnalisme, ne travaillerait pas de manière « scientifique » et s’occuperait trop des situations concrètes des usagers.
Il est clair que c’est ce dernier point, surtout, qui pose problème. Comment expliquer, autrement, que tout en déplorant le manque de professionnalisme du Comité, le Holding n’ait manifesté aucune intention de renforcer la structure tout en tentant de l’impliquer dans ses enquêtes de satisfaction ? Car, en effet, en mai 2008, le Bureau du CCU apprit – de manière quasi fortuite – que le Holding SNCB avait fait inclure dans son contrat de gestion un article (le 36) lui permettant de réorganiser le Comité et de lui imposer d’autres tâches que la mission de base (les avis) prévue par la loi de 1991. Comme le note le CCU : « Il est inouï que l’instance qui doit être évaluée par un Comité d’Usagers indépendant puisse fixer les règles du jeu et le fonctionnement dudit Comité, au risque de compromettre sérieusement son indépendance, mais aussi sa crédibilité. »

Pour en revenir au point crucial de l’approche du CCU : celui-ci a, depuis son origine, toujours adopté l’attitude qui consiste à « se mettre dans la peau des voyageurs ». Comment le voyageur se sent-il dans un abri qui fuit, sur un quai gelé, sans information, attendant un train qui n’arrive pas ? Pour bien appréhender cela, il faut le vivre soi-même, sur le terrain, parmi les voyageurs, ce qui permet d’identifier les problèmes récurrents et structurels. Certains peuvent être tout à fait localisés (par exemple une gare non desservie à une certaine heure). En fonction de la gravité du problème, le Comité peut en faire part à la SNCB, éventuellement au moyen d’un avis. Un problème peut aussi survenir en différents endroits (par exemple le confort d’attente dans certaines gares). Il est alors utile d’examiner ce problème plus en profondeur et de rendre un avis détaillé à ce sujet.

A contrario – et le contexte européen de libéralisation du transport ferroviaire n’y est évidemment pas étranger – pour le groupe SNCB, le voyageur demeure un concept abstrait, s’inscrivant dans une approche globale, non différenciée, avec une attention minimaliste portée aux spécificités des situations de terrain. Une telle approche suscite l’insatisfaction, parfois même la colère de nombreux usagers (notoirement sur certaines lignes où des problèmes se manifestent) qui ainsi se sentent lésés, voire ignorés.

Le Comité a insisté, à plusieurs reprises, sur une meilleure collaboration, l’approche « spécifique » du Comité étant sans conteste un complément essentiel à l’approche « globale » du groupe SNCB. Dans les faits, la mayonnaise n’a jamais pris. La fédération Inter-Environnement Wallonie regrette cette situation et manifeste, dans ces circonstances difficiles (amère conclusion à plus de dix ans de travail bénévole au service du transport ferroviaire), toute sa sympathie à Monsieur Janssens.