Les défis de la chaleur renouvelable en Wallonie

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L’abandon des énergies fossiles pour produire de la chaleur, que ce soit dans des process industriels ou pour se chauffer, et leur remplacement par des énergies renouvelables sont un impératif que nous impose la lutte contre les changements climatiques. Quelles sont les conditions pour que cette transition se fasse au mieux ?

La moitié de l’énergie finale de la Wallonie est consommée directement sous forme de chaleur. D’un coté, les industries ont besoin de cette énergie pour leurs productions (pour produire du ciment, du verre ou de l’acier par exemple) et de l’autre, tous les bâtiments résidentiels, tertiaires ou industriels ont d’importants besoins de chauffage.

Consommation d’énergie finale de la Wallonie en 2016. Source : SPW – DGO4, (ICEDD), données novembre 2018 ; Calculs : IEW

Alors que le défi climatique nous oblige à devenir 100% renouvelable d’ici à 2050, la question se pose : la Wallonie peut-elle consommer une chaleur 100% renouvelable ? Et si oui, comment ?

Les 4 clés d’une chaleur renouvelable et durable

Diminution, récupération, renouvelable et efficacité énergétique sont les 4 maître mots d’une politique chaleur renouvelable durable pour la Wallonie….

Diminuer la consommation de chaleur avant tout !

Davantage encore que pour l’électricité renouvelable, l’objectif doit être de diminuer drastiquement nos consommations de chaleur.

Chauffer une maison mal isolée avec un poêle à bois n’a pas ou peu d’intérêt d’un point de vue environnemental. Entre changer ses châssis ou investir dans une chaudière aux pellets, il faudra toujours privilégier la première solution. Le bois par exemple, est une ressource trop précieuse pour être brûlée pour chauffer l’extérieur !

Les industries aussi peuvent encore grandement améliorer l’efficacité énergétique de leur processus. C’est un enjeu fondamental de la prochaine législature. Le Gouvernement wallon envisage en effet de mettre en place de nouveaux régimes de soutien pour la chaleur renouvelable.

Pour IEW, ces soutiens éventuels doivent être limités aux acteurs qui ont déjà réduit au maximum leur besoin de chaleur (en isolant…). De plus, dans un contexte où les budgets publics sont étriqués, il nous semble plus intéressant d’investir massivement dans une stratégie de rénovation du bâti plutôt que dans une stratégie de soutien au développement de la chaleur renouvelable.

Récupérer la chaleur « gaspillée »

De nombreux processus industriels rejettent dans l’atmosphère des grandes quantités de chaleur qui sont dès lors « gaspillées ». C’est ce qu’on appelle « la chaleur fatale » dont le potentiel est gigantesque : on parle de 2300 GWh disponibles en Wallonie !

Un enjeu majeur sera donc de récupérer au maximum ces gaspillages pour le chauffage via un réseau de chaleur ou pour tout autre usage utile. 

Sortir de la chaleur fossile

87% de la chaleur consommée en Wallonie est issue de la combustion du pétrole (souvent sous forme de mazout) et du gaz. Une fois qu’on a diminué au maximum le besoin en chaleur, la question demeure : par quoi remplacer ces énergies fossiles ?

Aujourd’hui, la première source de chaleur renouvelable est la biomasse dont surtout le bois (voir point suivant), mais de nouvelles sources de chaleur renouvelable se développent notamment pour le chauffage. Citons ici les plus pertinentes :  

  • Les pompes à chaleur offrent un magnifique moyen de chauffer un bâtiment bien isolé, c’est à dire qui n’a pas de grands besoins de chaleur. Son usage se limite donc aux bâtiments neufs et/ou profondément rénovés. Une pompe à chaleur extrait la chaleur présente dans l’air (pompe air/air) ou dans le sol (pompe sol/air) au moyen d’une pompe électrique.
  • La géothermie offre également une autre source de chaleur très intéressante pour l’environnement. Au niveau de chaque bâtiment, des systèmes de « puits norvégien » permettent d’aller puiser la chaleur du sol à un coût abordable. Des projets de géothermie en grande profondeur dans la région de Mons ouvrent également la voie à une chaleur puisée à des centaines de mètres de profondeur (la températures y est bien plus élevée… ) qui pourrait être utilisée par l’industrie ou via des réseaux de chaleur collectifs.

Utiliser la chaleur efficacement

Utiliser la chaleur de manière efficace semble couler de source. Et pourtant… Trop souvent aujourd’hui dans l’industrie, la chaleur est considérée comme un sous produit souvent utilisé de manière peu efficace (par exemple pour chauffer des hangars peu isolés).

Dans nos maisons, les feux ouverts, s’ils sont très agréables à regarder, sont des moyens de chauffage très peu efficaces : 80% de la chaleur s’en va dans  la cheminée.

À l’autre bout du spectre, un poêle à bois moderne offre un rendement de près de 80%, à condition d’utiliser des bûches de qualité, bien sèches et de respecter certaines règles. Les poêles aux pellets modernes obtiennent des rendements similaires.

Les défis d’une utilisation durable du bois

Aujourd’hui, quand on parle de chaleur renouvelable, on parle presque exclusivement de biomasse dont surtout du bois ou de ses dérivés (de la sciure, des plaquettes mais aussi de la « liqueur noire » dérivée de la sève…).

Ce bois est soit directement brûlé dans des chaudières ou des poêles, et consommé sous forme de chaleur. Soit il est utilisé en cogénération, dans l’industrie, pour produire à la fois de la chaleur et de l’électricité.

Au final, en Wallonie, c’est 60% de notre énergie renouvelable qui provient du bois ! Il est donc crucial de se pencher sur cette ressource.

Le bois est clairement une énergie renouvelable, car on peut faire repousser un arbre. Mais il pose néanmoins de très nombreuses questions au niveau environnemental. En voici trois :

Quelle quantité de bois durable peut-on prélever dans nos forêts ?

Intuitivement, tout le monde comprend que nous ne pouvons pas raser les forêts pour les brûler… L’impact serait évidemment dramatique pour la nature. Nous devons au contraire extraire de nos forêts la juste quantité de bois qui leur permet de se régénérer sur le long terme, d’abriter la biodiversité ou d’empêcher l’érosion des sols

Mais quelle est cette quantité de bois durable dont nous disposons ? Sur ce point, les spécialistes s’opposent et c’est finalement au politique qu’il reviendra de fixer un seuil et un cadre stricte pour la gestion durable des forêts, en appliquant le principe de précaution.

Brûler du bois est-il bon pour le climat, à court terme ?

Le GIEC est clair : nous devons réduire nos émissions dans les toutes prochaines années. Il nous reste une dizaine d’année de budget carbone au niveau mondial pour rester sous les 1,5°C !!!

L’arbre que je brûle pour me chauffer émet du CO2 qui va s’accumuler dans l’atmosphère. Ce CO2 sera bien ré-absorbé par un arbre replanté pour compenser, mais ce processus est très long… La conclusion de certains des experts du climat, les plus éminents, est que nous ne pouvons pas ou peu compter sur les forêts comme source d’énergie durable.

Pour IEW, sensible à ces recommandations, cela plaide au minimum pour que le bois soit avant tout utilisé pour la construction/rénovation ou des objets d’utilité première (meubles durables, …) et seulement ensuite à des fins énergétiques quand ces objets sont arrivés en fin de vie, c.à.d quand leur récupération devient peu efficiente.

Brûler du bois est-il dangereux pour notre santé ?

Au moment de sa combustion, le bois émet des polluants nocifs pour notre santé comme les particules fines ou les NOx. Encore une fois, l’émission de ces polluants dépendra de la manière dont le bois est brulé.

Ces émissions peuvent être fortement réduites grâce à un poêle ou une chaudière efficace dans lesquelles sont brûlés des pellets ou des buches de qualité (sèches). Le chauffage au bois est à privilégier en zone rurale et si possible à partir de productions locales.

Quelle politique wallonne chaleur d’ici 2030

La Wallonie est en train de se fixer des objectifs de consommation de chaleur renouvelable à l’horizon 2030 dans son Plan wallon énergie climat (PWEC). Elle devra rendre sa copie finale d’ici fin de l’année 2019 à la Commission européenne. C’est donc un dossier brûlant pour le futur ministre wallon de l’énergie.

D’ici là, on notera que la version provisoire de ce PWEC :

  1. Ne prévoit pas assez de mesures et de budgets pour réduire nos besoins de chaleur, ce qui doit être à la base de toute politique durable de « chaleur renouvelable ».
  2. Prévoit une augmentation importante de l’utilisation du bois sans évaluer à quel point un tel objectif pourrait être atteint de manière durable pour les forêts. D’autres options de production de chaleurs comme les pompes à chaleurs semblent pourtant offrir également un potentiel intéressant tant d’un point de vue environnemental qu’économique.  

Mais de nombreuses questions se posent sur la manière d’atteindre une chaleur 100% renouvelable. Questions qui devraient être la base de réflexion de notre prochain ministre de l’énergie 😉 !

Pour en savoir plus