Les réunions de concertation: le point par l’exemple

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L’organisation par la ville de Huy d’une réunion de concertation à propos de l’aménagement du parc des Récollets a fourni l’occasion de se pencher sur cet outil [[Voir notamment l’article de Sophie Dawance dans la nIews, « Vous avez dit concertation ? », http://www.n-iew-s.be]].

En effet, les modalités pratiques d’organisation de cette réunion ont fait l’objet d’interprétations divergentes de la part des autorités régionale et locale d’une part, et des citoyens et associations d’autre part. Les premiers prétendaient que seuls les réclamants pouvaient participer à la réunion, sans pouvoir de représentation d’aucune sorte, les seconds souhaitaient inviter une représentante d’Inter-Environnement Wallonie et rendre l’évènement public. Et, comme souvent, on a pû observer combien les questions de forme peuvent occulter les vraies bonnes questions, à savoir celles qui touchent à l’existence même de cette réunion: la concertation du public sur des projets urbanistiques qui ont, de part leur ampleur, un impact sur le cadre de vie.

Si l’on s’en tient au texte du Code, la réunion de concertation met en présence les trois acteurs clés de la participation que sont l’administration communale, les représentants des réclamants, le demandeur et ses conseillers. D’autres administrations (le fonctionnaire délégué, par exemple) peuvent être invitées dans cette relation triangulaire.

Comme l’a indiqué le Ministre du développement territorial, Monsieur André Antoine, dans la réponse à la question parlementaire qui lui était posée [[Question écrite de Mme I. Lissens du 21 février 2007, non encore publiée sur le site du parlement wallon (n°193 – session 2006-2007).]], la réunion de concertation ne se conçoit que pour des projets d’une certaine importance, à savoir : les demandes ayant pour objet un lotissement ou des constructions groupées au sens de l’article 126 du Code sur une parcelle d’au moins deux hectares [[Article 330, 7° du CWATUP]]. et les voiries publiques de la Région classées en réseau interurbain (RESI) par l’arrêté ministériel du 11 août 1994 [[Article 330, 13° du CWATUPE.]].

Dans le CWATUP d’avant la grande réforme de 1997, une telle réunion de concertation s’envisageait déjà pour les villages de vacances et les parcs résidentiels de week-end. [[Articles 105 à 109 du CWATUP, édition 1992.]]

S’agissant des modalités d’organisation de la réunion, le Code stipule que le collège échevinal l’organise dans les dix jours de la clôture de l’enquête publique, si le nombre de personnes ayant introduit individuellement des réclamantions et observations est supérieur à vingt-cinq. A noter que par le passé, les pétitions collectives entraient également en ligne de compte et que lors de la première réunion de concertation, il était possible d’en convoquer une seconde dans les 15 jours et ce, à le demande d’une des parties.

Quant aux participants de la concertation, on retrouve les mêmes groupes qu’antérieurement. Cependant, les représentants des réclamants étaient alors expressément habilités à inviter les représentants d’ « organismes », ces derniers n’étant pas autrement définis [[L’on rappellera que la réunion de concertation, organisée dans le cadre de l’ancienne procédure d’évaluation des incidences sur l’environnement, prévoyait aussi la possibilité pour les réclamants de se faire représenter ou de faire appel à des experts (article 46 de l’arrêté de l’Exécutif régional wallon du 31 octobre 1991 portant exécution du décret su 11 septembre 1985 organisant l’évaluation des incidences sur l’environnement dans la Région wallonne).]]… Est-ce à dire, comme le soutient, le Ministre du développement territorial, qu’ «un tiers non réclamant ne pourrait donc pas représenter les réclamants » ? Nous ne le pensons pas. Si dans une interprétation littérale, seul le demandeur serait autorisé à s’entourer de « conseillers », nous n’apercevons pas la règle qui interdirait les autres groupes à se faire assister d’un tiers. Dans la pratique – et sans s’attarder sur le paradoxe qu’il y a à recourir aux services d’un avocat dans une réunion dite « de concertation » -, il n’est pas rare de voir les autorités communales elles-mêmes faire appel à un homme de loi (voir, par exemple, le cas des annexes du palais de justice à Liège), alors que le texte ne le lui permet pas, du moins expressément.

Le nombre limite de personnes par groupe est passé, au fil du temps, de 9 à 5 et cette limite en elle-même, combinée avec l’objectif affiché de « concertation » de la réunion, implique que celle-ci se tienne à l’abri de la pression que pourrait exercer l’opinion publique. Conformément à l’article 341 du Code, les réclamants doivent organiser leur « représentation » et, pour ce faire, disposer de la liste des réclamants, établie par la commune. Celle-ci doit fournir ces informations dès la clôture de l’enquête publique car le temps presse : il n ‘y a que 10 jours entre la fin de l’enquête publique et la tenue de la réunion [[Une jurisprudence constante de la commission de recours pour l’accès à l’information en matière d’environnement précise que les coordonnées des réclamants peuvent être communiqués dès la clôture de l’enquête publique (http://environnement.wallonie.be).]]…

Enfin, quant au but même de la réunion, la loi, comme souvent lorsqu’il est question de participation citoyenne [[Voir les réflexions de Michel Delnoy dans son article, « Définition, notions de base, raison d’être et sources juridiques des procédures de participation du public », in La participation du public au processus de décision en matière d’environnement et d’urbanisme, Bruxelles, bruylant, 2003, pp. 7 et suivants.]], n’est pas des plus disserte : elle se tient dans un but de concertation quand un certain nombre de personnes se manifestent pour faire valoir leurs observations.

Mais qu’est-ce que la concertation ?

Le Petit Robert nous apprend que la concertation est le fait de se concerter et que concerter c’est projeter de concert avec une ou plusieurs personnes ou s’entendre pour agir de concert.

On le voit, le terme de « concertation » est plus fort que celui de « consultation » puisqu’il traduit un partenariat entre plusieurs personnes. Concrètement, on en est loin, pour partie, parce que la concertation implique des prérequis, comme des délais suffisants, la sérénité du huis-clos et surtout, une réelle marge de manoeuvre pour influencer le projet et, pour partie, parce que chaque groupe doit accepter de lâcher quelque chose pour aller ensemble vers un projet commun… Le législateur qui l’a abandonnée dans le cadre du système d’évaluation des incidences sur l’environnement, s’apprête pourtant à y revenir dans un décret relatif à la participation du public dans le domaine de l’environnement [[Le projet de décret est en voie de discussion devant le parlement wallon.]]. [[Encore faut-il qu’il l’entoure de conditions propres à assurer une réelle concertation Voir l’avis rendu par le CWEDD sur l’avant-projet de décret précité.]], sous peine de retomber dans les mêmes errements du passé…