Lettre ouverte au nouveau gouvernement fédéral : Ne vous laissez pas abuser par le mirage nucléaire !

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Mesdames,
Messieurs,

S’il faut en croire le texte de votre accord de gouvernement, vous vous seriez accordés sur un report de la mise à l’arrêt des réacteurs Doel 1 et 2 ; initialement prévue pour 2015, la cessation d’activité surviendrait in fine en 2025.
Nous tenons à vous exprimer notre surprise, notre colère et notre crainte face à cette décision.

Surprise, car rien ne justifie cette prolongation.
Certes, notre pays sera probablement confronté à une pénurie d’électricité au cours des deux prochains hivers. Mais Doel 1 et 2 n’apporteront vraisemblablement aucune solution à ce problème. Il apparaît en effet difficile de maintenir ces réacteurs en activité au-delà de la date prévue faute de combustible disponible et d’accomplissement de toutes les procédures de sécurité requises. Un délai s’imposera sans doute avant de pouvoir relancer la production… quand la situation en matière d’approvisionnement se sera détendue.

Colère, car ce nouveau sursis accordé au nucléaire va à l’encontre des enseignements à tirer de la situation actuelle.
Le black-out, menace brandie depuis des années par les défenseurs de l’atome comme repoussoir à la loi de 2003 programmant la fermeture échelonnée des centrales belges va se concrétiser alors même que cette loi n’a pas été appliquée. Pire : ses causes résident dans les éléments sur base desquels les opposants au nucléaire réclament son abandon ! Vice de construction (les microfissures sur les cuves des réacteurs de Doel 3 et Tihange 2), acte malveillant (le sabotage de Doel 4), incident technique, etc. : les centrales se révèlent bel et bien vulnérables ; or, leur danger potentiel en termes sanitaire et environnemental est tel qu’il exclut toute prise de risque. L’arrêt de la production s’impose dès lors avec pour conséquence une pénurie d’autant plus inévitable que ladite production est massive et centralisée. La responsabilité de ce black-out pèse donc sur les contempteurs du nucléaire qui, en lui accordant une confiance aveugle, ont omis de développer les alternatives permettant de se passer de l’atome. Si les différents gouvernements aux affaires depuis le vote de la loi de sortie du nucléaire en 2003 avaient pris la peine d’intégrer et activer cette décision comme elle le devait, nous n’en serions pas aujourd’hui à devoir gérer le manque.

Crainte, car prolonger des réacteurs ayant déjà dépassé leur durée de vie initiale s’apparente à une partie de roulette russe : nul ne peut prédire comment ces infrastructures vieillies réagiront et nous connaissons désormais les conséquences du moindre incident (sans parler de celles qu’aurait un accident sérieux). Crainte encore car cette prolongation constitue un (nouveau) mauvais signal envoyé aux acteurs du marché. D’incertitude entretenue en report annoncé, ceux-ci vivent depuis des années sans connaître les règles du jeu dans lequel ils sont appelés à participer. En demande d’une stratégie énergétique claire et à long terme, ils attendront donc encore, ce qui affectera inévitablement le développement de modes de production alternatifs permettant une sortie sereine du nucléaire.

Face à ces constats, le prolongation du nucléaire concrétisée par le sursis accordé à Doel 1 et 2 mais aussi par votre consensus sur « l’instauration d’un système de monitoring et de correction pour garantir la sécurité d’approvisionnement à long terme » – soit une porte laissée (entr)ouverte à un Xième report de l’arrêt des dernières centrales en 2025 – nous apparaît comme une erreur politique et économique majeure.
Il est plus que temps de tourner le dos au mirage nucléaire et de mettre en œuvre une stratégie répondant aux enjeux du futur. Des unités de production décentralisées, alimentées par des sources diversifiées et d’origines essentiellement renouvelables conjuguées à des mesures d’efficacité énergétique générant une réduction de la demande constituent les axes porteurs de cette stratégie à inscrire dans un réseau européen mieux intégré.

Nous vous demandons donc instamment, Mesdames, Messieurs, de reconsidérer votre décision quant à l’avenir énergétique de notre pays.
Errare humanum est, perseverare diabolicum…

Signataires :

Bruno Venanzi, Co-fondateur, Lampiris
Frédéric Chomé, Directeur, Factor-X
Marc Lemaire, Directeur, Equilibre
Laurent Minguet, Membre de l’Académie royale de Belgique
Pierre Ozer, Professeur Ulg
Nicolas Van Nuffel, Responsable plaidoyer , CNCD-11.11.11
Andre Ruwet, Directeur de publication, Imagine demain le monde
Stefaan Declercq, Secrétaire général , Oxfam-Solidarité
Patrick Kelleter, C.E.O., Energie 2030 Agence
Michel Huart , Secrétaire général, Apere
Daniel Comblin, Président, Apere
Michel Genet, Directeur, Greenpeace Belgique
Ezio Gandin, Président , Amis de la Terre
Tara Mc Carthy, Adminitsratrice, Objectif 2050
Léo Tubbax, Porte-parole, Nucléaire Stop
Antoinette Brouyaux, Associations 21
Jean-François Pontégnie, Porte-parole, Climat et Justice Sociale
Christophe Schoune, Secrétaire général, Inter-Environnement Wallonie
Marc Fichers, Secrétaire général, Nature & Progrès Belgique
Bernard Delville, Fondation Kids and Wind
Alain de Halleux, Réalisateur