Ne pas jeter la PEB avec l’eau du bain

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Récemment la certification des performances énergétiques des bâtiments (PEB) a fait l’objet de plusieurs critiques, tant de la part des propriétaires que d’associations de consommateurs. Formalité inutile et coûteuse pour certains, interprétation des données peu objectivées par le certificateur pour d’autres. Test-Achats pointait, lui, de grandes disparités entre Régions mais aussi entre certificateurs, au niveau des prix et du temps consacré à l’expertise du bien. Le certificat PEB est-il pour autant sans pertinence ?

Rappelons tout d’abord que l’obligation de produire un certificat PEB est imposée par une directive européenne (directive 2002/91/CE). Celle-ci stipule que le certificat doit être produit lors de la vente ou location d’un bien immobilier. Première critique formulée : le certificat est bien souvent donné à l’acquéreur lors de la signature du compromis de vente. « Un peu tard ! » me direz vous ! Aujourd’hui, le certificat PEB influence donc peu la décision à l’achat. Cette situation va bientôt évoluer puisque selon une autre directive de 2010 (2010/31/CE), la performance énergétique du bien doit apparaître dès l’annonce de la mise en vente ou location. Une prescription qui doit être transposée pour juillet 2012. La Wallonie n’est donc pas en retard, mais pas le meilleur élève non plus quand on sait que dans plusieurs pays limotrophes (Pays-Bas, France), les annonces d’agences immobilières affichent la PEB depuis plusieurs mois.

La PEB du bien repose sur l’évaluation de plusieurs critères : l’isolation de l’enveloppe du bâtiment, le type de système de chauffage et de production d’eau chaude sanitaire, la ventilation et d’éventuels systèmes de production d’énergie renouvelable. Il faut savoir que pour évaluer ces paramètres, le certificateur a besoin de tous les documents que le propriétaire pourra fournir (plans, factures d’énergie, factures de matériaux et de main d’½uvre prouvant une éventuelle rénovation…). A défaut de ceux-ci, l’estimateur utilisera des valeurs de référence (fonction, notamment, de l’année de construction du bien). Le résultat est donné sous forme de différents indicateurs : la consommation totale d’énergie primaire (ce que votre bâtiment consomme, peu importe comment vous y vivez), la consommation spécifique d’énergie primaire (la consommation ramenée à l’unité de surface, entre 0 et 700 kWh/m²). Ce dernier chiffre est traduit sous forme d’un indice de performance énergétique avec un code couleur, tel qu’appliqué aux électro-ménagers : du A+ au G.

Et c’est souvent là que la pilule est difficile à avaler : un bien qui n’est certes pas passif mais qui est loin d’être une passoire énergétique récolte souvent un piètre score. La typologie du bâti wallon, ancien, peu ou partiellement rénové voire pas du tout, est telle que le score moyen pour une habitation est un F.
Vis à vis de cette échelle, bien appropriée par les citoyens grâce à l’affichage des consommations des électro-ménagers, le Service public de Wallonie (DGO4- Direction du bâtiment durable) n’hésite pas à faire son auto-critique face à la surprise ou la colère des propriétaires désabusés. En effet, un appareil A++ est devenu si courant, et relativement accessible, qu’on imagine pas se contenter d’un « C ». Or pour le bâti, utiliser cette échelle était périlleux car elle doit considérer l’ensemble du bâti existant et à venir, depuis les bâtiments centenaires aux habitats passifs… Il faut donc se rendre compte qu’un A+ c’est une nouvelle construction passive avec production d’énergie renouvelable (solaire thermique et photovoltaïque), le top du top qu’on trouve rarement sur le marché de l’immobilier !

Cette échelle a pourtant tout son sens tant le potentiel d’amélioration du bâti wallon est important. A terme, l’application de cette échelle aux électro-ménagers devrait être revue puisque les meilleurs standards auront tendance à se généraliser. Par contre, appliquée au bâti, des niveaux intermédiaires des indices permettraient de nuancer le verdict. Ce qu’il faut surtout déployer, c’est une meilleure communication de la part des certificateurs, qui doivent prendre le temps de justifier l’indice PEB au propriétaire du bien estimé. D’autre part, l’administration devrait communiquer plus largement sur toutes les subtilités des cette échelle (aussi auprès des agences immobilières et pourquoi pas sur les sites web immobiliers…). La DGO4 a d’ailleurs réalisé une plaquette didactique et un excellent tableau de synthèse LIEN A ACTUALISER ! qu’il serait pertinent de transmettre à tout propriétaire avant la procédure d’estimation. Le propriétaire doit aussi être mieux informé sur les documents qu’il est sensé fournir 1

D’autres critiques viennent aussi d’une comparaison entre la Wallonie et la Flandre. Il faut savoir que le logiciel utilisé par les certificateurs en Flandre est différent du logiciel wallon et bruxellois. La Région flamande a fait cavalier seul et a calqué son outil sur le calculateur utilisé aux Pays-Bas. Quand on connaît la typologie du bâti néerlandais (urbanisation plus dense, compacte et plus uniforme), on peut comprendre que l’adaptation au contexte flamand n’a pas été sans mal. La Wallonie a procédé autrement, en concertation avec les autres états membres pour tirer parti des expériences de nos voisins. Le casse-tête était loin d’être évident à résoudre : comment prendre en compte une typologie du bâti wallon si disparate, où du très ancien côtoie les meilleurs standards actuels ? Comment faire un outil simple qui facilite la reproductibilité, qui évite les équivoques et la profusion d’alternatives tout en tenant compte des spécificités des biens estimés ? Au final, un outil auquel tout le monde ne peut pas prétendre. En effet, contrairement à la Flandre où tout qui fait une formation minimale au logiciel PEB flamand peut devenir certificateur, en Wallonie, les prétendants au titre doivent avoir une expérience professionnelle dans le secteur (architecte, ingénieur, auditeur,…). Quant à la disparité dans les tarifs pratiqués, constatée tant au nord qu’au sud du pays, c’est finalement quelque chose de récurrent dans d’autres corporations, d’où la pertinence de demander un devis. Il faut aussi savoir que les certificateurs peu scrupuleux, sur base de plaintes et d’un contrôle par l’administration, peuvent se voir retirer leur agréation.

La question pertinentes serait de savoir si « ce bout de papier » est vraiment utile au regard de l’objectif de diminuer la consommation énergétique des bâtiments (et les émissions de CO2 associées). Concédons que le certificat PEB a le mérite d’attirer l’attention sur le fait que le bâtiment en soi est susceptible d’être énergivore (avant même d’y adopter des comportements sobres en énergie) car construit à une époque où les normes étaient moins strictes, voire inexistantes, et que, pour obtenir un minium de confort (chaleur, eau chaude), la dépense énergétique peut varier de façon considérable. Mais, sans un minimum de conseils sur les pistes d’amélioration à réaliser, le certificat n’a que peu d’utilité. D’où l’intérêt de faire une « passerelle » avec la procédure d’audit énergétique (PAE). La plupart des données requises pour l’estimation PEB le sont également pour la PAE mais au final l’audit identifie le type de travaux nécessaires et indique la priorité des uns par rapport aux autres. Eviter les doublons et les frais inutiles, la DGO4 y pense en travaillant sur une refonte des logiciels PEB et PAE pour une compatibilité et une échelle adaptée aux 2 procédures. La Fédération IEW a souvent plaidé en faveur d’une généralisation de l’audit et regrette que celui-ci ne soit pas rendu obligatoire pour les demandes de financement via l’éco-pack proposé dans le cadre de la première Alliance Emploi-Environnement.

Il est encore trop tôt pour objectiver une influence du score du certificat sur le prix de vente ou de location, mais à terme, il pourrait être un des critères de détermination d’achat ou de location, au même titre que la mention (obligatoire) de consommation en carburant d’une voiture, critère devenu de plus en plus important (en période de prix élevé des carburants) pour la décision d’achat d’un véhicule. L’argument aurait peut-être même plus de poids dans le cas d’une habitation tant la subjectivité (et l’irrationnel) l’emporte chez l’amateur de « belles bagnoles » . Mais, comme pour l’automobile, une faible consommation affichée ne dispense pas d’adopter des comportements éco-responsables (diminution du kilométrage, éco-conduite dans un cas ; baisser le thermostat, éteindre les appareils en veille dans l’autre…) ; car vivre dans un bâtiment peu énergivore c’est bien, réduire son empreinte énergétique c’est mieux

  1. Site de la DGO4-bâtiment durable : http://energie.wallonie.be/fr/vous-etes-un-futur-vendeur-ou-bailleur.htm…

Gaëlle Warnant

Économie Circulaire