NIMBY, NAMBI, BIMBY, BANANA nIEWs !

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Dès qu’un projet de construction rencontre des résistances, il se trouve quelqu’un pour accuser ses opposants, à tort ou à raison, de « NIMBYsme ». Voilà le grand mot lâché, un mot en -isme, obscur à souhait, aux sonorités étranges et assez faciles à retenir. Mais que recouvre-t-il au fait, ce NIMBY? Wikipédia donne, dans sa version anglophone, une définition claire suivie d’une très amusante liste d’acronymes apparentés.

D’abord, la définition

NIMBY est l’abréviation de « Not in my back yard », qui stigmatise le refus de développements immobiliers ou d’infrastructures trop proches de chez soi. Il est le versant urbanistique de l’attitude de rejet de la concrétisation d’une politique dont on applaudit par ailleurs les principes. Le ou la NIMBYste refuse les sacrifices personnels sur l’autel de l’intérêt général ; l’opportunité du projet lui échappe. Il est important de rappeler ici que l’intérêt général n’est pas la défense collective d’intérêts particuliers.

Accuser une personne de NIMBYsme revient donc à lui attribuer des vues étroites, égoïstes et myopes, à lui ôter toute capacité de jugement incluant l’intérêt collectif. Ce n’est pas innocent.

Alors qu’il existe à coup sûr des citoyens tracassés seulement par leurs petites affaires et par le rendement de leur patrimoine immobilier, il en est d’autres qui s’indignent face à des projets mal ficelés. Ces citoyens refusent d’échanger une rentabilité à court terme contre des déprédations définitives à l’environnement bâti, humain et naturel. Mettre les deux catégories de réaction dans un même casier étiqueté « NIMBY », est un amalgame douteux, de mauvaise politique, malheureusement très courant.

Les 7 secrets du NIMBY

« Les 7 secrets du NIMBY », c’est la recette pour provoquer un bon NIMBY de derrière les fagots. En voici le détail :

  1. Se conformer sans conviction aux conditions d’exploiter et maquiller les entorses en « petits accidents inévitables ».
  2. Fonctionner sans contact avec la communauté locale.
  3. User d’appuis politiques pour concocter une révision du plan de secteur en vue d’étendre l’exploitation.
  4. Demander un permis d’exploiter [permis d’environnement] et être juste en-dessous du seuil où une étude d’incidences est obligatoire.
  5. En cas d’étude d’incidences, faire pression sur le bureau d’étude pour que l’analyse soit favorable. Faire également pression tout au long du processus auprès des responsables politiques pour que cela passe sans problème.
  6. Se conformer de manière minimaliste aux obligations d’enquête publique et de concertation.
  7. Commencer à installer le projet avant d’avoir les autorisations.

Infaillible pour soulever des nuages de colère, cette liste révèle en miroir quelles attitudes seraient à cultiver pour qu’un projet évolue positivement.

Pour prévenir le NIMBY, des conseils qui n’ont pas pris une ride

Il s’agit simplement de suivre les quelques règles élémentaires à toute relation humaine : être de bonne foi, être rigoureux et construire ensemble. Des règles que les parties impliquées dans un projet, du promoteur au riverain, en passant par l’autorité publique et l’administration, tant communale que régionale, auront intérêt à suivre.

  • Aux entrepreneurs et promoteurs :

« Parlez juste, plutôt qu’en quadrichromie »
La forme de votre communication importe, bien sûr. Mais ne vous trompez pas de genre : le dépliant sur papier glacé distribué dans toutes les boîtes aux lettres sera probablement contre-performant, alors que le discours sincère lors des séances d’information et la disponibilité à la discussion vous feront gagner des points.

« Travaillez aussi en interne : tous vos collaborateurs parlent pour vous »
Il y a la position officielle, et puis celle que l’on peut percevoir. La manière dont vos collaborateurs expriment votre projet sera une confirmation ou une trahison de votre position officielle. Et son influence risque de ne pas être mince…

  • Aux autorités :

« Soyez là »
A tort ou à raison, les citoyens perçoivent souvent leurs représentants comme décalés, dans un monde particulier, abstrait des contraintes quotidiennes. Une des réponses est votre présence sur le terrain, dans les réunions où les discussions naissent, les crispations s’amorcent et où les solutions peuvent germer.

« Soyez neutre »
Vous êtes au cœur du dossier et pourtant vous devez être étranger à chacun des intérêts en jeu. Vous représentez la collectivité et avez charge de veiller au bien commun, qui n’est réductible ni à la satisfaction immédiate de votre électorat, ni au seul développement économique de votre région. Vous ne pouvez être partisan, mais vous devez intervenir : un équilibre délicat. Vous êtes là pour garantir le respect des procédures, pour prendre la décision finale et pour veiller au suivi du projet, si l’autorisation a été délivrée.

« Dépoussiérez les moyens de consultation »
Les outils de consultation qui sont à votre disposition sont principalement la réunion d’information préalable et l’enquête publique. Il n’est pas rare que ces procédures deviennent une sorte de routine, dans laquelle plus personne ne perçoit clairement les enjeux. Pourtant, une concertation bien menée, dépassant le cadre habituel et consacré de la procédure, peut s’avérer très efficace pour des projets potentiellement conflictuels.

  • Aux riverains :

« Fondez votre combat sur l’intérêt général »
Il y a des projets légitimes, même si on ne voit pas du meilleur œil qu’ils s’installent au bout du jardin. Mais il y a aussi des projets inacceptables. Un projet est contestable s’il va à l’encontre du bien commun. Pour faire entendre leur opposition, les riverains et les personnes sensibles à leur combat doivent se fonder sur l’intérêt général. Par exemple, argumenter sur les éléments concrets qui font qu’un projet ne respecte pas l’environnement et fait entrave à l’intérêt général.

« N’oubliez pas que vous avez des hommes en face de vous »
Certes, des projets vous sembleront parfois être menés par des machines, des monstres administratifs ou capitalistes autistes. Ce n’est pourtant jamais le cas. Dans les projets, à leur base, il y a toujours des femmes et des hommes qui sont aussi des êtres raisonnables, sensibles et citoyens.

Il n’est pas impossible que, derrière la gangue de leurs fonctions, ces personnes vous entendent. Les attaquer à titre personnel ne les incitera jamais à la bienveillance à votre égard.

Acceptez le dialogue
Une position de principe consiste à refuser tout dialogue: « projet inacceptable, ça ne se discute pas ». Ce comportement de pur rejet risque de se retourner contre vous, en gâchant toute chance de coopération pour améliorer le projet ou pour chercher des alternatives de localisation. Il ne vous garantit pas vraiment le tapis rouge pour intégrer un comité de suivi, si le projet se réalise.

Pour retrouver ces recommandations et bien d’autres, visitez les pages http://environnement.wallonie.be/nimby/

Quelques acronymes apparentés au NIMBY

NIABY
« Not In Anyone’s Backyard » résume l’opposition à des projets qui seraient malvenus partout sur la planète. Un site nucléaire, une entreprise Grand SEVESO, sont des cibles de choix pour le NIABY.

NAMBI
« Not Against My Business or Industry » témoigne de l’aversion d’un entrepreneur pour une action, publique ou citoyenne, qui menace la pérennité de son entreprise. S’il élargit son souci à la pérennité d’un secteur économique, ou à tout le moins à une filière d’entreprises, il ne peut plus être accusé de NAMBI.

BANANA
« Build Absolutely Nothing Anywhere Near Anything (or Anyone) » traduit la résistance à toute forme de projet, quel qu’il soit : ne construisez absolument rien nulle part, près de quoi que ce soit (ou de qui que ce soit)!

FRUIT
« Fear of Revitalization Urban-Infill and Towers » signifie « crainte de la revitalisation qui comble les dents creuses urbaines et construit des tours ». Le mot FRUIT renvoie à l’acronyme BANANA et joue sur les mots (la banane est un fruit) pour souligner la variété des réactions d’oppositions, jugées absurdes et irrationnelles. Il a été utilisé en premier dans un article de l’industrie immobilière de Vancouver.

LULU
« Locally unwanted land use » désigne une affectation du sol à un usage et à des installations utiles à la société, mais que personne ne souhaite avoir dans son voisinage. Les LULU forment un catalogue impressionnant : décharges, prisons, hôpitaux, routes, usines, centrales énergétiques, parc à conteneurs, etc. Pour refuser le projet, les riverains avancent pdesmotifs tels que les dommages potentiels, les nuisances, la baisse de qualité de vie ou la diminution des valeurs immobilières. La planification par les autorités s’efforce d’atténuer les effets indésirables d’un LULU ; elle s’appuie sur les règlements pour localiser le plus judicieusement possible, pour organiser la consultation, pour déterminer des zones tampons et même enjoindre de camoufler les constructions du LULU à l’aide de végétation.

NIMEY
« Not In My Election Year » ou « pas durant l’année de ma réélection », un réflexe très tenace chez nos politiciens. L’acronyme avait été mentionné par un participant au colloque « Nouvelle législation et bonnes pratiques de prévention et de gestion du NIMBY » de 2001 lors du débat avec la salle. Pour les références du colloque, voyez ci-dessous la partie « en savoir plus ».

PIBBY
« Put In Blacks’ Back Yard » (« mettez [ça] dans le jardin des Noirs ») dénote la faculté désarmante dont usent des habitants nantis pour refuser un projet de développement dans leur quartier, tout en fermant les yeux sur ce même projet quand il propose de s’implanter dans un quartier moins favorisé économiquement. Il s’agit d’une dénonciation du racisme urbanistique qui sévit aux Etats-Unis, mais le phénomène est également dénoncé en Europe de l’Ouest. Pour toucher du doigt les inégalités environnementales en Wallonie, il faut par exemple comparer les réactions aux projets carriers. Les nuisances s’imposent à celui qui ne sait pas comment s’en protéger, ni faire valoir ses intérêts. Quant à celui qui sait comment réclamer auprès du bourgmestre, peu lui chaut si le caillou vient à manquer ou s’il y a du chômage technique à la clef, du moment que son coup de fil a pu freiner l’avancée du front de taille.

SOBBY
« Some Other Bugger’s Back Yard » revient à dire « [mets ça dans] le jardin d’un autre mec ». C’est le NIMBY de base, le NIMBY du gamin / de la gamine qui refuse de grandir : « Ce projet est sûrement valable et tout et tout, pas besoin de s’interroger là-dessus cent-sept ans, il faut juste qu’il ne vienne pas ici, parce qu’ici c’est juste derrière chez moi. Et ailleurs, n’importe où, ça ne me gênera pas, même juste derrière chez mon voisin. »

Pour compléter cette définition, on notera que « sobby » est un adjectif anglophone familier utilisé pour dire « renifleur », « à la larme facile » ou encore « qui finit de pleurer doucement », voire « qui, par un mouvement saccadé de sa respiration, annonce un gros sanglot ». Au pays de Candy…

Ceci n’est pas un acronyme mais une métaphore
« Drawbridge mentality » :
Wikipédia est décidément très loquace sur le sujet du repli et du rejet des projets urbanistiques. A travers sa définition de la « mentalité du pont-levis », se décrit une attitude très courante en Wallonie. Les automobilistes qui ne veulent pas de trafic dans leur rue, les néo-ruraux qui militent contre la construction d’un nouveau lotissement à côté du leur, vous l’aurez compris, c’est la mentalité du pont-levis. Une fois qu’on a trouvé son coin de paradis, on refuse l’accès à quiconque. Porte close!

Parfois, on refoule aussi ceux qui étaient là d’abord : « Tant qu’on y est, virez-moi ces fermiers qui passent à du 20 à l’heure avec leurs engins pleins de boue dans MON village.  »

A contre-courant du NIMBY

BANeR
« Best Available Neighborhood Relations » est un label créé par Inter-Environnement Wallonie, il y a quelques années, pour encourager la recherche de l’excellence dans les relations riverains-projet et couper l’herbe sous le pied du défaitisme. Le label pourrait reprendre vigueur aujourd’hui, pour viser le meilleur voisinage possible.

BIMBY
« Build In My Back Yard » : les animateurs de ce mouvement ont pu observer que l’intérêt individuel peut aller dans le sens des intérêts de la collectivité. Par exemple, diviser un terrain pour mieux valoriser son bien sur le marché immobilier permet de proposer une offre diversifiée de logements et d’activités sur un territoire, sans engendrer d’étalement urbain.

Le BIMBY est, comme son intitulé ne l’indique pas, un projet français. Il s’attache à définir une nouvelle filière de production de la ville, capable d’intervenir au cœur des surfaces urbanisées. Cette filière s’appuierait sur la capacité des acteurs de l’urbain (habitants, techniciens, élus) à mobiliser le foncier des tissus pavillonnaires pour financer le renouvellement et la densification progressive de ces quartiers.

BIMHO
« Build in my house » propose, afin de renforcer la densité de logement, une politique de recomposition de l’intérieur des habitations pour accueillir davantage de logements, par exemple dans une maison unifamiliale. L’habitat intergénérationnel, l’habitat solidaire, la mise en conformité pour des situations de handicap, ou toute autre forme de diversification du logement, appellent à l’ouverture vers l’inventivité architecturale et juridique. Cet acronyme a été proposé en juin 2012 dans le cadre du colloque “Un si cher territoire ? ou comment faire des économies via l’aménagement du territoire” organisé par Ruralité-Environnement- Développement et la Maison de l’Urbanisme Lorraine-Ardenne.

YIMBY
« Yes In My Back Yard » marque l’assentiment de citoyens envers des projets qui rencontrent des obstacles de type NIMBY : les YIMBYstes demandent expressément à ce que tel ou tel projet soit mis dans leur quartier, malgré les protestations NIMBYstes exprimées par ailleurs. Il existe, d’après Wikipédia, des coalitions YIMBYstes informelles à San Francisco, Los Angeles, Phoenix, Seattle, Stockholm, Gothenburg, Uppsala, Oslo, Toronto. Leur appui s’avère décisif, notamment pour des projets de logement social et de nouveaux logements abordables. Des parcs éoliens sont aussi soutenus par ce genre de groupement, de façon à contrer l’opposition générée par le NIMBY.

Faire de la participation citoyenne une force de travail : en savoir plus

  • La participation citoyenne en matière d’environnement : contrainte ou opportunité ? Un article de Jean-François Pütz sur le site de la Fédération IEW revient sur la question. Tout récemment, Jean-François Putz nous éclairait sur la réforme du décret Délinquance environnementale, adoptée le 3 mai 2019. https://www.canopea.be/le-decret-delinquance-environnementale-est-adopte/. Comme quoi, les infractions environnementales sont un cheval de bataille pour lequel la Fédération se passionne encore aujourd’hui !
  • En 1999, la Fédération Inter-Environnement Wallonie publiait ses propositions pour remédier au NIMBY. Une démarche qui a trouvé preneur, puisque le pouvoir régional a décidé d’organiser un colloque sur le sujet dans la foulée avec Groupe One, une des associations membres de la Fédération Inter-Environnement Wallonie. Le colloque s’intitulait « Nouvelle législation et bonnes pratiques de prévention et de gestion du NIMBY ». Les pages Internet relatives à cette initiative sont toujours en ligne aujourd’hui.
  • Thérèse Snoy, qui était alors la secrétaire générale d’IEW, a fait lors de ce colloque une allocution intitulée « Position des associations par rapport à la législation. Politiques et participation : vers un expérimentalisme démocratique ». Vous y retrouverez un plaidoyer en faveur d’un renforcement de la Police de l’Environnement afin qu’elle puisse assurer un réel contrôle du respect des législations environnementales, sur le terrain, sans complaisance pour les situations infractionnelles.