Non (hélas) la voiture électrique n’est pas une révolution

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Début juillet, Tesla annonçait l’entrée en production de son modèle « 3 », commercialisé entre 35.000 et 44.000 dollars HTVA. Quelques jours plus tard, Volvo déclarait son intention de ne plus mettre sur le marché, dès 2019, que de nouveaux modèles électriques ou hybrides. De nombreux analystes y ont vu le signe d’une révolution dans l’industrie automobile : nous entrions dans l’ère électrique, les problèmes de destruction du climat et de pollution de l’air allaient disparaître, les lendemains chantaient. Le quotidien néerlandais De Volkskrant alla jusqu’à titrer « Het nieuwe Teslament ».

Cette exaltation s’explique aisément. Les émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques des transports ne faiblissent pas. Face à cette situation anxiogène, tout semblant de solution est accueilli à bras ouverts – surtout s’il nous exonère de toute remise en question personnelle et collective de nos habitudes de déplacement. La fièvre étant quelque peu retombée, il convient de s’interroger sur les raisons des décisions annoncées début juillet et sur les effets qu’elles pourraient – ou non – produire sur le marché automobile.

Concentrons-nous sur le cas Volvo. Ce constructeur vend de (très) grosses voitures. Lourdes : le poids moyen des Volvo neuves vendues en Europe en 2015 était de 1744 kg, contre 1385 pour l’ensemble des constructeurs. Puissantes (125 kW contre 93). Rapides (205 km/h de vitesse de pointe contre 190 en moyenne). Or, plus ces caractéristiques sont élevées, plus il faut d’énergie pour mouvoir la voiture et plus elle émet de CO2. Jusqu’à présent, Volvo pouvait encore, avec des moteurs thermiques, répondre aux objectifs contraignants de réduction des émissions de CO2 que lui assigne la législation européenne. Mais de nouveaux cycles et procédures de test, plus fiables, sont ou vont être introduits, et des objectifs plus ambitieux fixés pour 2025 et 2030. Il ne sera plus techniquement possible de les respecter en vendant des voitures lourdes et puissantes équipées de moteurs thermiques. Migrer vers des modèles plus modestes ou quitter le thermique ? Volvo a choisi : le passage à l’électrique est une nécessité pour un constructeur voulant rester dans le créneau des voitures dites prestigieuses. Le constructeur sino-suédois a compris que la troisième voie, privilégiée par les constructeurs allemands (combattre le renforcement de la législation), n’est plus tenable.

Nulle motivation écologique donc, mais un simple calcul commercial. Ce qui ne serait pas grave en soi, n’en étaient les conséquences. Car ce qui est en train de se produire est le pire scénario de l’électrification des transports. Celui que, depuis bientôt dix ans, Inter-Environnement Wallonie recommande aux pouvoirs publics d’éviter. Celui qui permet aux constructeurs de maintenir l’évolution vers des voitures toujours plus lourdes et plus puissantes. Or, « les statistiques établissent que plus un véhicule est puissant, plus la fréquence et la gravité des accidents sont élevées. »[[AXA, 2016, Critères de segmentation RC voiture – camionnette [en ligne]. Consulté de 21/10/2016.]]. A contrario, des voitures plus modestes permettent des avancées non seulement sur le plan de la sécurité routière mais aussi sur ceux de la consommation énergétique, des émissions de gaz à effet de serre, de la pollution de l’air, du bruit, de l’occupation de l’espace public, de la consommation de matières premières, des déchets et même du vivre ensemble, du respect mutuel.

Certes, l’électrification (associée au développement des énergies renouvelables) est indispensable pour rencontrer les objectifs climatiques et de santé publique dès lors que l’on souhaite maintenir un système de mobilité utilisant des véhicules individuels motorisés. Mais elle ne sera bénéfique que si elle est couplée à une diminution drastique de la taille et de la puissance des voitures. C’est le sens du concept LISA Car (light and safe car – voiture légère et sûre) développée par la fédération Inter-Environnement Wallonie et l’asbl Parents d’Enfants Victimes de la Route.

 Pierre Courbe, chargé de mission mobilité, Inter-Environnement Wallonie

 Koen Van Wonterghem, Administrateur-délégué, asbl Parents d’Enfants Victimes de la Route