Nucléaire : une « procession d’Echternach » à haut risque

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Les partis réunis autour du formateur pour négocier un programme gouvernemental sont revenus dimanche sur la question de l’abandon progressif de l’énergie nucléaire… que l’on croyait réglée depuis vendredi. Un consensus semblait en effet exister pour confirmer la loi de 2003 et mettre les réacteurs belges à l’arrêt selon un calendrier s’échelonnant de 2015 à 2025. Mais face à des interprétations divergentes, le point nécessita un nouveau round de discussions dont la conclusion laisse perplexe : la loi de 2003 n’est pas remise en cause mais il reviendra au prochain gouvernement de décider, dans les six mois suivant son entrée en fonction, si elle peut être appliquée sans menacer l’approvisionnement énergétique du pays. En clair, on revient à la case départ en ajoutant six mois et quelques à huit années de tergiversations et atermoiements.
Pour Inter-Environnement Wallonie, cette décision est néfaste car elle perpétue l’incertitude freinant depuis trop longtemps déjà les indispensables investissements massifs dans des alternatives à l’atome propres, durables et génératrices d’emplois. IEW regrette d’autant plus ce « couac » que le reste de la partition énergétique jouée par les négociateurs est plutôt plaisante avec, notamment, une ponction conséquente de la rente nucléaire qui financera notamment l’isolation des bâtiments publics et le développement de l’éolien offshore.

En moins de 48 heures, la gestion du dossier « Sortie du nucléaire » par les prochains partenaires gouvernementaux aura donc connu une dégradation la faisant passer d’ « excellente » à « décevante ». La position volontariste « on sort du nucléaire dès 2015 et on se donne les moyens de le faire » s’est en effet muée en une approche attentiste « on sortira du nucléaire en 2015 si on a les moyens de le faire ». Autrement dit, on reste dans le flou à haut préjudice qui entoure cette loi depuis qu’elle fut votée.

Les ONG ainsi que les acteurs économiques plaident sans relâche pour que l’incertitude planant sur le respect effectif de la loi de 2003 soit levée. Electrabel estimait samedi dans un communiqué que « dans une matière aussi fondamentale pour l’économie nationale, il est essentiel que des décisions claires soient prises et communiquées. Il s’agit de donner aux opérateurs, actuels ou potentiels, et à leur personnel la visibilité dont ils ont besoin pour programmer leurs activités et leurs investissements ».

Une fois n’est pas coutume, on ne peut qu’abonder dans le sens de l’électricien : par-delà la date retenue pour l’arrêt des réacteurs, ce qui importe est qu’une décision claire, ferme et définitive soit prise quant à celle-ci. Et tout retard dans cette décision claire, ferme et définitive est lourde de conséquences non seulement sur le développement des alternatives énergétiques mais aussi sur une éventuelle prolongation de la durée de vie des centrales. Dans un cas comme dans l’autre, en effet, les financements et les processus industriels en jeu ne peuvent se gérer sur du court terme. A force d’hésitations et de reculades, on risque de se trouver dans une situation kafkaïenne où des capacités de productions alternatives insuffisantes imposeront de prolonger la durée de vie de centrales dans lesquelles les investissements nécessaires à la sécurité n’auront pu être opérés !

Pour Inter-Environnement Wallonie, les discussions de ce week-end ont des allures de procession d’Echternach : trois pas en avant, deux pas en arrière. Or, si les futurs partenaires gouvernementaux veulent réellement sortir du nucléaire, ils ne peuvent avoir qu’un seul mot d’ordre : en avant toute !

Il a suffi à l’Allemagne de quelques mois pour programmer l’arrêt inéluctable de ses réacteurs et sauter résolument dans le train du futur ; la Belgique, elle, reste figée sur le quai, effrayée d’utiliser un billet pourtant acheté de longue date. Si l’avenir appartient aux audacieux, nous risquons de ne pas en être…