Ondes & santé (3) : la 5G

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Nous allons, en 3 épisodes, développer la problématique des ondes électromagnétiques. Après une présentation de ce qu’elles sont, nous avons passé en revue leurs effets réels et potentiels sur la santé des humains et des autres vivants, nous avons investigué, dans le second épisode, sur leur régulation via différentes normes et sur l’efficacité de cet outil classique pour, enfin, dans ce troisième épisode, aborder la question très actuelle et sensible de la 5 G dans ses aspects sanitaires, énergétiques mais aussi démocratiques.

Tout évolue autour de nous. Il en va de même pour les standards de téléphonie mobile. Après quatre générations, place à la cinquième (5G) !

On parle de téléphonie mobile depuis que nos moyens de télécommunications sont passés à la technologie sans-fil1. Depuis cette grande transition à la fin des années 90’, nos dispositifs utilisent des ondes électromagnétiques pour transporter l’information d’intérêt (voix, messages, photos, …). Ce système repose sur la transmission d’ondes entre une station de base et un téléphone mobile. Ce système fonctionne en mode numérique en convertissant les données sous forme de bits (0 ou 1). Au départ utilisé principalement pour la communication vocale, les évolutions progressives de ces dernières décennies nous permettent de naviguer sur internet, partager des photos, écouter de la musique, payer ses achats, voir nos proches en temps réel, etc…

« Eviter la saturation du réseau » 2, « Etre concurrent dans le domaine de la technologie » 34, « Un enjeux géopolitique » 5, … les arguments s’empilent pour essayer de justifier le besoin de passer à la nouvelle génération 6.

Depuis le déploiement de la 4G, le volume de données mobiles ne cesse d’augmenter au km², surtout en milieu urbain. Selon l’IBPT 7, en Belgique, notre consommation a ainsi augmenté de 60% entre 2016 et 2019 8. La 5G permettrait ainsi de limiter les risques de saturation en démultipliant le nombre de connexions mobiles possibles au km² (jusqu’à 10 fois plus que la 4G) 9.

Un autre grand objectif de la 5G est de booster l’efficacité du transfert des données (efficacité spectrale) entre l’antenne et le récepteur (téléphone portable, ordinateur, …). La 5G sera ainsi 28 fois plus rapide que la 4G et 120 fois plus rapide que la 3G (le passage de la 3G à la 4G avait entrainé une augmentation de la vitesse par 4,3) 3.

En 2020, l’OMS a rendu public son positionnement sur la 5G 10. Son rapport conclu qu’à ce jour, malgré de nombreuses recherches, aucun effet néfaste sur la santé n’a été mis en relation causale avec l’exposition aux technologies sans fil. Les conclusions relatives à la santé sont tirées d’études réalisées sur l’ensemble du spectre radioélectrique mais, jusqu’à présent, seules quelques études ont été réalisées pour les fréquences qui seront utilisées par la 5G.

Certains experts se veulent rassurants en rappelant que la 5G s’inscrit dans un spectre d’ondes bien connu, les ondes centimétriques de hautes fréquences, utilisées aussi bien dans nos vieilles antennes téléphoniques que par nos routeurs Wifi domestiques. Néanmoins de nombreuses incertitudes planent encore sur la bande de hautes fréquences qu’utilisera la 5G comme le souligne l’Agence française de sécurité sanitaire (ANSES) 11. En effet, « Aucun résultat d’étude scientifique s’intéressant aux effets éventuels sur la santé de l’exposition aux champs électromagnétiques spécifiquement dans ces nouvelles bandes de fréquences prévues pour la 5G n’est actuellement disponible ». Il s’agit essentiellement des bandes de fréquences de 3.5 GHz. Autrement dit, il n’y a pas suffisamment de supports scientifiques pour évaluer les effets sanitaires liés à cette fréquence spécifique…

Parmi les zones d’ombres actuelles, l’ANSES souligne notamment :

  • Concernant l’absorption d’énergie électromagnétique, « peu d’études dosimétriques proposant une analyse fine de l’exposition des différents tissus aux champs électromagnétiques émis par les téléphones mobiles dans la bande de fréquences autour de 3,5 GHz sont disponibles à ce jour. »
  • Concernant les éventuels effets biologiques, « il existe une incertitude quant au rôle de la fréquence sur l’apparition d’effets biologiques et physiologiques chez l’Homme. » et « l’intermittence des signaux des technologies sans-fil pourrait influencer l’ensemble des réponses biologiques ».
  • Concernant le risque global pour la santé, « Il parait difficile d’extrapoler les résultats d’études scientifiques obtenus à des fréquences différentes, même proches, pour en tirer des conclusions sur les effets biologiques, physiologiques, comportementaux et a fortiori  sanitaires potentiels dans la bande de fréquences autour de 3,5 GHz ».

Les antennes 5G prévues à l’agenda viendraient s’implanter en complément à celles déjà présentes pour la 4G. Emettant sur des distances plus courtes, le déploiement de la 5G nécessitera la construction d’un nombre important d’antennes nouvelle génération pour couvrir l’entièreté des zones habitées. De nouvelles antennes capables de diriger le rayonnement de manière ciblée vers les utilisateurs (antenne active) plutôt que diffuse (antenne passive) tel que c’est le cas actuellement. La 5G permettrait ainsi de mieux répartir les ondes, pour une même quantité de données transportée.

Les opérateurs de télécommunications annoncent une transition en douceur. La 5G serait ainsi déployée sur des bandes de fréquence déjà utilisées par nos antennes. Les bandes les plus communément utilisées sont les bandes 800 MHz, 900 MHz, 1800 MHz, 2100 MHz, 2600 MHz 12. Les parties du spectre utilisées par nos réseaux se sont élargies au fil des avancées et besoins technologiques. Les réels avantages de la 5G ne pourraient pas s’exprimer sur les bandes de fréquences actuelles. La 5G « standard » utilisera des nouvelles bandes de fréquences (700 MHz et à 3600 MHz) dans un premier temps. À terme, dans plusieurs années, des bandes de fréquences dites « millimétriques » permettront d’augmenter les débits. Par exemple, la bande 26.000 MHz ou 26 GHz.

1)     La 5G, une simple préoccupation sanitaire ?

Le débat autour de l’arrivée de cette nouvelle technologie ne se contente pas de stagner autour des enjeux de santé publique. Les arguments environnementaux et sociétaux s’empilent également pour freiner un déploiement déraisonné.

La 5G, émettant par définition des ondes sur des plus courtes distances que la 4G, devra faire appel à un nombre d’antennes plus élevé. L’extraction de ressources naturelles nécessaire à leur construction sera donc intensifiée. Certains défendent que le réseau 5G – plus ciblé – fera diminuer la consommation d’énergie par unité de données transférées (octet). Néanmoins, la consommation d’énergie augmentera considérablement pour construire de nouveaux terminaux compatibles (Smartphones, …), de nouvelles antennes, fabriquer les futurs objets connectés…

On parle alors d’effet rebond lorsqu’on rend un appareil plus efficace, mais qu’on a tendance augmenter les usages 13. Dans le cadre de la 5G, la consommation numérique augmentera drastiquement car elle sera encouragée par une technologie plus performante. Le volume de données utilisé par chaque usager augmentera car la technologie le permettra.

Cet effet rebond illustre bien la différence notable entre l’efficacité unitaire d’une nouvelle technologie et la consommation globale générée par son potentiel d’utilisation 14. L’évolution de l’industrie automobile illustre bien ce concept. Les voitures d’aujourd’hui consomment moins de carburant par tonne de matériaux que les premiers véhicules mis sur le marché. L’efficacité unitaire n’est plus à démontrer. Par contre, la consommation globale d’un véhicule n’a pas baissée et le nombre de voiture a considérablement augmenté !

Avec la 5G, c’est le même problème. Même si la consommation d’énergie diminue par unité d’information émise (octet), la consommation globale d’énergie du système global augmente (car le nombre d’octets transférés augmente). A titre d’exemple, si l’on reprend l’historique du trafic de données mobiles en Belgique, on peut voir que la quantité de données consommées sur 11 jours en 2017 est équivalente à la consommation annuelle de 2011 !!! 15

Pour éviter les conséquences de ces effets rebonds, certains soulignent la nécessité de coupler l’implémentation des nouvelles technologies avec un plan d’action axé sur la sobriété numérique 16. Cette sobriété pourrait être amorcée par des actions simples et efficaces telles que la lutte contre l’obsolescence programmée, stopper les démarrages automatiques de vidéo, informer les usagers des émissions produites par l’utilisation du numérique… Cette sobriété pourrait également être d’application dans l’implémentation de la 5G. En effet, la part estimée des émissions de gaz à effet de serre liées au numérique est de 3,5% à l’échelle mondiale (7% prévu en 2025) 17. Plus nous augmentons les volumes de données transférées, plus nous contribuons au dérèglement climatique… Pour limiter les impacts environnementaux du numérique, un déploiement 5G « raisonné » est donc à privilégier par rapport à une 5G « de masse » 18.

2)     La 5G, un enjeu autant démocratique que sanitaire ?

En Belgique, nous avons la chance d’avoir un collectif qui s’est penché sur la question du numérique. Il s’agit d’AlterNuméris, un collectif de chercheurs et de penseurs mobilisés autour des enjeux de la société numérique en pleine croissance. Leur analyse 19 identifie les quelques aspects qui font que le débat autour de la 5G est aujourd’hui gangréné. D’une part la complexité, liée à la technicité sur laquelle repose cette technologie. D’autre par la polarité du débat qui oppose sans cesse les « Pour » et les « Contre » et ne fait que cliver un potentiel terrain d’entente. Enfin l’urgence en face de laquelle se trouve nos décideurs. Comme leur nom l’indique, ils doivent « décider » rapidement du déploiement afin de s’aligner sur ceux ayant franchi le cap.

Les espaces de dialogue se font rares. Et pourtant de nombreuses questions mériteraient un recul critique de qualité afin d’avancer dans la lumière.

Veut-on d’une société de plus en plus connectée ?

Souhaite-t-on une plus grande dépendance numérique ?

Si la technologie existe, est-ce pour autant qu’il faut l’adopter ?

La technologie est-elle toujours synonyme de progrès ?

En tant que société, comment définit-t-on le progrès ?

L’efficacité est-elle synonyme de durabilité ?

A-t-on réellement besoin de cette technologie ?

Quels usages, réellement nécessaires, va nous permettre d’assouvir cette technologie ?

Existe-t-il d’autres technologies, moins préoccupantes, pour satisfaire cet usage ?

Les enjeux économiques doivent-ils être déterminants dans le choix d’une technologie ? Quelle place donne-t-on aux enjeux environnementaux et sociaux ?

Commençons par réfléchir aux réponses que nous souhaitons apporter à ces grandes questions de société ! Soyons conscients de la multitude des enjeux pour tenter d’y voir plus clair dans ce débat houleux.


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  1. Bruxelles-Environnement : « La 5G : principes et enjeux ». (Consulté le 26/08/2021)
  2. La Première, 25 février 2014, « En route vers la 5G » (Consulté le 30/08/2021)
  3. L’Echo, 27 août 2021, « L’Europe de plus en plus à la traîne dans la course à la 5G » (Consulté le 30/08/2021)
  4. Le Monde, 17 avril 2021, « Pour le patron d’Ericsson, l’Europe est très en retard sur la 5G » (Consulté le 30/08/2021)
  5. Le Monde, 07 mai 2019, «Comment la 5G est devenue un enjeu géopolitique» (Consulté le 30/08/2021)
  6. Bruxelles en mouvements 302, septembre/octobre 2019, « Le Meilleur des ondes »
  7. Institut Belge des services postaux et des télécommunications
  8. Communication du Conseil de l’IBPT du 30 juin 2020 concernant la situation du marché des communications électroniques et de la télévision en 2019
  9. OFCOM, 2020, « 5G mobile technology: a guide »
  10. OMS, 2020, « Radiation: 5G mobile networks and health », (consulté le 24/08/21)
  11. ANSES, 2021, Rapport d’expertise collective « Exposition aux champs  électromagnétiques  liée au déploiement  de la technologie 5G »
  12. Bruxelles-Environnement : « La 5G : principes et enjeux ». (consulté le 26/08/2021)
  13. Interview de Jean-Marc Jancovici dans Socialter, « L’avenir sera Low Tech », juillet 2019. (consulté le 26/08/2021)
  14. RTS Radio Télévision Suisse, décembre 2020, entretien avec Jean-Marc Jancovici, « La 5G, en a-t-on vraiment besoin ? »
  15. Calcul réalisé à partir des données disponibles dans le « Rapport du comité d’experts sur les  radiations non ionisantes 2018-2019 », Région de Bruxelles-Capitale
  16. The Shift Project, octobre 2020, « Déployer la sobriété numérique »
  17. The Shift Project, mars 2021, Note d’analyse, « Impact environnemental du numérique : tendances à 5 ans et gouvernance de la 5G »
  18. Ibid
  19. Alter Numéris, mai 2021, « La 5G : au-delà du  “pour ou contre” »