Péage routier pour les camions : position chèvrechoutiste de l’Europe

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Durant le second semestre 2010, la présidence belge de l’Union européenne a relancé avec succès les discussions du Conseil des Ministres européens sur une révision de la directive dite « Eurovignette » qui définit les règles communautaires régissant les systèmes nationaux de péage routier des poids lourds. On trouvera ici un exposé du contexte et du processus législatif européen. Le Conseil s’étant prononcé, la balle était dans le camp du Parlement européen pour la seconde lecture.

La Commission Transport du Parlement européen a voté ce mardi 12 avril. La suite du processus devrait aller très vite : de source autorisée, on attend un accord Parlement-Conseil-Commission très prochainement (avant les vacances d’été).

Le vote de ce mardi fut décevant en ce sens que le texte est moins ambitieux que la proposition initiale de la Commission européenne et est dès lors bien loin de permettre aux Etats-membres de l’Union de mettre en place un système réellement efficace de contrôle de la demande de transport routier.
Rappelons que la directive Eurovignette n’impose pas aux Etats-membres d’introduire un péage (= redevance au kilomètre parcouru) des poids lourds. Elle fixe simplement les règles pour les Etats qui voudraient le faire. Elle détermine notamment quels sont les coûts externes[[Les coûts externes d’un transport sont les coûts associés à ce transport mais non pris en charge par le transporteur (construction et entretien des infrastructures, accidents, pollution de l’air, bruit, …)]] qui pourront être inclus dans le système de péage, quels sont les catégories de poids lourds concernées, quelles sont les variations de tarif (en fonction de l’heure, de l’endroit, …) qui peuvent être appliquées, …

Une taxation en fonction de la distance a pour premier effet de stimuler l’efficacité du secteur du fret routier : meilleurs taux de remplissage, réduction des trajets à vide, optimisation des itinéraires, évitement des périodes de congestion[Voir à ce sujet[ le résumé en français de l’étude réalisée par le consultant Significance pour le compte de la fédération européenne Transport and Environment]] ,… Mais le texte actuel ne permet pas aux Etats-membres de percevoir des redevances équilibrant l’ensemble des coûts externes du transport, incluant les coûts de congestion et ceux associés aux changements climatiques. Les systèmes de péages qui seront implantés en Europe seront dès lors limités dans leurs effets.

Le vote de mardi, cependant, fut réconfortant par bien des aspects. Différents amendements visant à affaiblir encore le texte étaient proposés. Les plus dangereux furent tous rejetés à une large majorité. Par ailleurs, la plupart des suggestions du rapporteur, le député belge néerlandophone Saïd el Khadraoui (SP.A), furent, elles, adoptées. On pointera la possibilité d’appliquer 200% du tarif dans les zones congestionnées, et ce durant des périodes de huit heures, les tarifs plus élevées pour les camions les plus polluants (normes Euro 0 à III) et la réduction à trois ans de l’exemption pour les moins polluants (normes Euro VI). Le Parlement a aussi décidé d’adresser à la Commission européenne des recommandations pour que celle-ci examine dans une prochaine étape la possibilité de définir des tarifs minimaux, d’interdire progressivement les systèmes de redevances forfaitaires (en fonction de la durée) existant dans certains Etats-membres et d’inclure les coûts externes associés aux accidents, aux changements climatiques et aux impacts sur la biodiversité.

Par ailleurs, le Parlement maintient sa position en considérant que les recettes doivent être affectées au secteur des transports. Ce point, cependant, est loin de faire l’unanimité et sera à n’en pas douter l’objet d’âpres négociations au niveau du Conseil des ministres. Certains pays sont franchement hostiles à cette approche : Royaume-Uni, Irlande, Suède, Danemark, Pays-Bas, Pologne, Hongrie, République tchèque principalement. Il est intéressant de noter que les votes des Députés européens ont, sur ce point, obéi à la géographie plutôt qu’à la politique. Preuve si besoin était que les logiques de parti (ou de groupes politiques) sont moins prégnantes au niveau européen qu’au niveau national (où il est fort rare de voir un élu dévier de la « ligne du parti »).