Pollution plastique : la Wallonie avance malgré les résistances

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Certains ustensiles en plastique à usage unique seront bientôt interdits en Wallonie. Un cocorico en demi-teinte car les ambitions sont moins élevées qu’il n’y paraît. Une avancée néanmoins symbolique qui place la Wallonie parmi les régions les plus volontaristes pour lutter contre la pollution plastique.

Dès le 1er janvier 2021, une série d’ustensiles jetables en matière plastique ne pourront plus être utilisés dans les établissements ouverts au public1 en Wallonie. Ainsi, pailles, couverts, touillettes mais également les gobelets et bols en polystyrène expansé disparaîtront des cantines, restaurants et autre buvette ou foodtruck. L’année suivante, s’ajoutent à l’interdiction, les assiettes, récipients alimentaires en polystyrène expansé ainsi que les tiges pour ballons. Des dispositions qui attendent l’adoption définitive de la Directive sur les plastiques à usage unique (Directive SUP) au niveau européen pour être ensuite validées par un dernier passage en Gouvernement wallon.

Une avancée qu’il convient de saluer car la Wallonie se veut plutôt volontariste en matière de lutte contre la pollution par les plastiques…mais une avancée plutôt symbolique car la proposition est loin d’être aussi ambitieuse qu’il n’y parait. Tout d’abord parce que, pour une fois, les discussions européennes sur ce dossier ont rattrapé les hésitations wallonnes. Si voilà plus d’un an que le projet de restreindre les plastiques à usage unique était sur la table en Wallonie, la Directive SUP en passe d’être définitivement adoptée vient légiférer sur le sujet. Les textes wallons et européens ont avancé en parallèle et la Wallonie s’est finalement alignée sur la directive (excepté l’intégration des tiges pour ballons). Aussi, même sans l’initiative wallonne, la plupart de ces ustensiles seront interdits sur le marché européen dans les deux ans suivant l’adoption de la directive SUP2. C’est donc sur le calendrier de mise en œuvre que la Wallonie devance de peu les obligations européennes.

Ensuite, il faut avouer que l’ambition initiale a considérablement été réduite puisque les avant-projets de texte visaient une liste d’ustensiles en plastique beaucoup plus large. Tous les contenants alimentaires en plastique à usage unique permettant la consommation individuelle et directe de produits de restauration figuraient parmi les produits condamnés. Ainsi, exit la barquette pour servir le poulycroc® ou encore le bol plastique pour votre salade océane… Une ambition qui s’est malheureusement heurtée à plusieurs difficultés.

Première d’entre elles, un exercice de rédaction extrêmement complexe pour circonscrire les produits et ustensiles visés sans risque d’interprétation abusive. En exemple : une bouteille d’eau en plastique aurait pu être considérée comme contenant alimentaire banni alors que, dans l’esprit de l’initiative wallonne, elle n’entrait pas dans le champ d’application. Trop d’ambigüités sur les ustensiles visés ou non auraient rendu difficile l’interdiction sur le terrain.

Deuxièmement, la résistance de divers secteurs (agro-alimentaire et chimie en tête) pour qui les solutions alternatives pénalisent le business-model. Une force de lobby qui n’est pas à négliger.

Troisièmement, un exercice d’équilibriste auquel la Wallonie doit se plier puisqu’il lui faut agir dans le champ de ses compétences. En effet, la Région ne peut légiférer que sur l’usage d’un produit et non sur sa mise sur le marché qui est de compétence fédérale. Comme ce fut le cas pour certains pesticides dont le glyphosate, la Wallonie active le levier « interdiction d’usage » de ces ustensiles même si ceux-ci restent accessibles sur le marché. Or ce levier est décrié par les détracteurs de ces législations. Ainsi Phytofar est allé en recours contre les mesures du Gouvernement wallon qui restreignent les conditions d’utilisation de pesticides arguant un empiètement sur les compétences fédérales. Pour les plastiques à usage unique, même discours de différents acteurs : une interdiction d’usage reviendrait de facto à une interdiction de mise sur le marché ! Or dans la cadre du recours contre les mesures réglementant l’usage de pesticides, la Cour constitutionnelle vient de délivrer un arrêt3 à travers lequel elle reconnaît la légitimité de la Wallonie à agir pour prévenir et combattre les différentes formes de pollution de l’environnement dans le respect de la loyauté fédérale.

On le sait, la lasagne institutionnelle belge, l’éclatement des compétences et surtout le manque de concertation entre entités fédérées et le niveau fédéral rendent complexes l’adoption de législations qui, sans attendre les décisions européennes, peuvent avoir un impact tout à fait positif pour l’environnement. On ne peut dès lors blâmer les régions d’agir avec les moyens dont elles disposent. Go Wallonie, go!

  1. Des exceptions sont prévues notamment pour les hôpitaux et établissements de soin pour des raisons d’hygiène
  2. La Directive a été approuvée par le Parlement EU ce 27 mars, le Conseil européen devrait le faire ce 9 avril.
  3. Arrêt n°32/2019 du 28 février 2019  http://www.const-court.be/public/f/2019/2019-032f.pdf

Gaëlle Warnant

Économie Circulaire