« Pouvoir d’achat » ou « la possibilité partagée de vivre une vie décente sur une planète habitable » ?

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Assiste-t-on au retour du mantra « pouvoir d’achat » ? Le mouvement des gilets jaunes semble avoir remis ce thème sur la table. Pourtant la défense du pouvoir d’achat tient d’une généralisation absurde.

Qu’est-ce que le pouvoir d’achat ? C’est la capacité financière de consommer. Consommer quoi ? Tout et n’importe quoi, et c’est précisément là que le bât blesse. La notion de pouvoir d’achat met sur un pied d’égalité la facture de chauffage d’un ménage précaire, le citytrip en avion à Barcelone ou l’achat d’un téléviseur 4K de 100 cm de diagonale. Qu’il s’agisse de payer une alimentation de qualité pour ses enfants, un nouveau SUV ou de chauffer une terrasse extérieure en hiver, tout est mis sur le même pied.

Défendre le pouvoir d’achat, c’est défendre la consommation dans son ensemble, sans faire la moindre distinction entre la satisfaction de besoins essentiels ou la satisfaction d’envies ostentatoires. Sans ouvrir les yeux non plus sur le fait que certaines consommations actuelles sont tout simplement incompatibles avec la possibilité pour nos enfants de grandir sur une planète qui reste habitable.

Comment donc faire « murir » cette revendication, en conserver ce qui fait sens, mais la débarrasser aussi de ses œillères. Car il ne s’agit évidemment ni de dire « moi je le vaux bien et les autres peuvent crever », ni de dire « après moi le déluge ».

La première étape est d’aller plus loin et de creuser : pourquoi demande-t-on de défendre le pouvoir d’achat ? Que souhaite-t-on obtenir à un niveau plus fondamental ? Est-ce la fin de la misère et de la pauvreté ? Est-ce la possibilité de se sentir partie prenante de la société, d’éviter l’impression d’exclusion ou de relégation sociale ? Est-ce le besoin d’avoir un indicateur, une mesure de sa réussite personnelle ? Est-ce la peur de ne pas pouvoir s’offrir des moments de vie agréables ? Est-ce une forme de sécurité matérielle ? Etc. etc.

La seconde étape sera d’identifier des moyens concrets et efficaces de répondre aux aspirations légitimes. Des moyens que l’on voudra non contradictoires avec la possibilité de permettre aux autres humains, actuels et futurs, de répondre eux aussi à leurs aspirations fondamentales. Ce principe devrait être largement partagé, puisque personne ne souhaite le malheur de ses enfants, et qu’il est établi que le bonheur de ceux qui vivent autour de nous contribue à notre propre bonheur.

Il devrait alors être possible de mettre en place des aménagements propices, au niveau politique ou organisationnel, pour permettre à chacun de vivre une vie décente, cohérente avec ses aspirations profondes, mais non basée sur l’horizon unique de la consommation, avec tout ce que celle-ci peut avoir de contradictoire, excessif ou destructeur. Ces aménagements impliqueront fort vraisemblablement des arbitrages, dans un souci de justice, et une forme de partage, pour que chacun puisse vivre dans des conditions de dignité.