Quel est le juste prix de l’électricité ?

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Une augmentation de la facture électrique de 100 euros par ménage/an. Voilà la « menace » que fait peser sur nos portefeuilles l’indisponibilité non programmée de l’essentiel de notre parc nucléaire pendant l’hiver. Si l’approvisionnement électrique est bien entendu essentiel, l’ombre menaçante d’une augmentation de la facture électrique mérite certainement d’être analysée avec un regard critique. Une électricité plus chère est-elle nécessairement quelque chose de négatif ? Il y a de la provocation dans cette question et pourtant … Cette crise doit être l’occasion de se poser quelques interrogations sur le prix de l’électricité.

De quoi l’électricité est-elle le prix ?

Qu’est ce que l’électricité ? C’est la lampe qui m’éclaire au moment d’écrire cet article, mais c’est aussi la pompe à eau chaude de la piscine de Lady Gaga… L’électricité n’a de valeur que pour l’usage qu’on en fait. Et aujourd’hui, je paie autant, proportionnellement, pour éclairer la chambre où je travaille que Lady gaga ne paie pour réchauffer sa piscine. Mais ces deux usages ont ils la même valeur intrinsèque ? Si s’éclairer correctement devrait être un droit inaliénable, qu’en est-il des usages plus luxueux tels que réchauffer une piscine ?

Aujourd’hui trop de Wallons peinent à se payer les besoins énergétiques les plus élémentaires. C’est évidemment inacceptable. Dès lors ne serait-il pas temps de relancer le débat sur une tarification progressive de l’électricité, c’est à dire un système dans le quel le prix de l’électricité varierait en fonction du volume global des consommations ?

Quel coût pour quel moyen de production d’électricité ?

Le prix de l’électricité devrait également être déterminé par son coût de production… Plus on paie, plus on devrait avoir un système électrique performant, ce qui, en pratique, est loin d’être le cas…

Prenons deux pays : la Belgique et l’Allemagne. En 2018, le Belge paie en moyenne 896 euros/an pour son électricité. Avec les pannes à répétition de nos réacteurs cet hiver, sa facture devrait donc tourner autour de 1000 €/an l’année prochaine, ce qui le placerait au même niveau que nos voisins allemands (1045€/an). Mais qu’aura le Belge pour ce prix ? D’un côté des Hautes Fagnes, l’Allemagne a lancé une politique d‘investissement pour transformer radicalement sa production d’électricité passant en quelques années à un mix de production électrique majoritairement renouvelable (36% de la consommation d’électricité en 2017 soit plus que la lignite (33%). En Belgique, pour le même prix, la part des renouvelables monte à 11% de notre consommation électrique… Peut mieux faire ! Quitte à payer, ne voudrait on pas le faire pour un système électrique d’avenir ?

Paye-t-on pour l’impact environnemental de nos productions d’électricité ?

Dans une économie de marché, le prix est le reflet de la rareté des choses et à ce titre, est un des régulateurs de nos comportements de consommation. Le caviar est rare, le caviar est donc cher. Ce qui normalement doit limiter le nombre de Bélugas à éventrer pour la récolte des œufs… A ce jeu, l’énergie en général et l’électricité en particulier ont toujours été considérées comme des biens abondants qui devaient être bon marché et consommés sans retenue. Pourtant, notre production d’électricité à un impact important sur notre environnement, voire très important dans le cas du nucléaire ou des énergies fossiles.

L’énergie est donc un bien précieux à consommer avec parcimonie. Aussi, consommer moins est une priorité, et un prix élevé constitue l’un des meilleurs moyens de nous pousser à cette sobriété. Et le cercle devient vertueux : baisser nos consommations aura pour conséquence de limiter l’augmentation de notre facture !

Quelle production électrique est la moins chère ?

Notre parc nucléaire vieillissant est en train de nous faire la démonstration qu’il n’est pas la garantie d’une électricité bon marché. Bien au contraire ! Les fermetures non programmées des réacteurs dues à leur vétusté sont la cause principale de la fièvre sur les prix observée cet hiver.

Etant donné l’âge de notre parc de production électrique, notre système électrique aura besoin d’investissements conséquents dans les prochaines années et ce, qu’importe le scénario énergétique choisi. En 2017, les chercheurs d’Energyville ont évalué les coûts des différents scénarios énergétiques (sortie du nucléaire en 2025, prolonger 2 GW de centrales, …). Leur conclusion est claire (voir le graphique ci dessous) : les coûts augmentent à peu près de la même manière peu importe le scénario choisi…

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Qui va payer ?

La question de savoir qui va payer est évidemment cruciale ! Le système électrique est financé via la facture des ménages, des PME et des grandes entreprises. C’est au politique à répartir cette charge entre les différents acteurs. Aujourd’hui, les grandes entreprises sont de plus en plus exemptées de participer au financement du système, et ce pour des raisons (parfois légitimes) de concurrence internationale. La charge se retrouve donc de plus en plus sur les épaules des ménages et des PME. Hélas, ces répartitions se font de manière peu transparente. Pour cette raison, IEW et Test-achats publiaient en septembre 2018 un appel à un débat transparent sur la question !

Questions pour une élection

En cette période pré-électorale, « je vais baisser votre facture d’électricité » devient le mantra préféré de nos décideurs. Au fédéral, le PS et la majorité se rejoignent sur leur volonté de baisser la TVA sur l’électricité. En Wallonie, le Gouvernement vient d’annoncer son intention de baisser la surcharge Elia… Mais ces promesses court-termistes d’une électricité bon marché pour tous ne sont ni crédibles dans le contexte d’investissement où nous nous trouvons, ni même souhaitables d’un point de vue comportemental. Seules des mesures compensatoires ciblées pour les populations précarisées sont souhaitables dans ce contexte de prix de l’électricité grimpant. Au final, ni la démocratie, ni la transition énergétique ne sortiront vainqueurs de ces belles paroles… Et ce que nous ne payerons pas sur nos factures aujourd’hui finira d’une manière ou d’une autre soit sur nos fiches d’impôt, soit sur la note des générations futures…