Réacteurs de troisième génération: subsidiés massivement et peu convaincants

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La nouvelle, qui a fait beaucoup de bruit en Espagne, est passée totalement inaperçue en Belgique : le Gouvernement ibérique a annoncé la semaine dernière son refus de prolonger l’exploitation de la centrale nucléaire de la Garoña, dans le nord du pays. Au grand dam de ses exploitants, qui avaient introduit une demande de prolongation de la durée de vie de l’installation, celle-ci fermera ses portes au terme de 38 ans d’exploitation. Plus important encore, cette fermeture interviendra – comme le rappelait le gouvernement – dans le cadre d’une stratégie nationale de sortie du nucléaire d’ici 2027. Durant les vingt prochaines années, les unités de production electro-nucléaire de la péninsule seront donc progressivement déconnectées du réseau après quatre décennies de fonctionnement, soit vingt années de moins que ne le réclamaient les électriciens.

Cette décision intervient dans un contexte où les défenseurs de l’atome parlent à tout-va d’un retour du nucléaire au devant de la scène mondiale. Exemple le plus régulièrement évoqué : la construction d’un nouveau réacteur initiée début 2005 en Finlande, seul projet concrétisé dans un pays de l’OCDE depuis plus de quinze ans. Appelé réacteur de « troisième génération », l’EPR (pour European Pressurized Reactor) n’est en réalité qu’une évolution des modèles actuellement exploités dans les pays occidentaux. Mais défendu par les promoteurs du projet en raison de ses « atouts économiques et en matière de sûreté », le futur réacteur doit déjà essuyer des revers alors que son exploitation n’a pas encore débuté.  

En matière de rentabilité, tout d’abord, puisqu’une analyse des mécanismes de financement du chantier conduit à émettre certaines réserves quant à sa compétitivité économique. Le futur exploitant de la centrale, la société finlandaise TVO, a en effet bénéficié de nombreux avantages pour concrétiser le projet de construction. Ainsi, Framatome et Siemens, chargés de la conception du réacteur, étaient tellement désireux de remporter l’appel d’offres qu’ils ont proposé un prix fixe de 3,2 milliards d’euros. Alors que cette somme semble artificiellement peu élevée (Framatome aurait, selon de nombreux observateurs, bradé les prix pour faire de ce réacteur une « unité de démonstration »[[House of Commons – Environmental Audit Comittee, Keeping the lights on : nuclear, renewables and climate changes, Vol. I, 2006]].) TVO n’encourt de surcroît aucun risque financier puisque tout frais supplémentaire intervenu durant la période de construction – qui, après 18 mois, avait déjà accumulé un an de retard ! – sera supporté par les constructeurs. Par ailleurs, la société finlandaise a obtenu un crédit syndiqué d’un montant de 1,95 milliards d’euros au taux d’intérêt très avantageux de 2,6% [[NERA Economic Consulting and University of Sussex, Economics of nuclear Power, Report to the Sustainable Development Commission, 2006]]. Enfin, le Gouvernement français y est également allé de son coup de pouce puisque le projet a bénéficié de crédits à l’exportation pour un montant de 610 millions d’euros. Nul doute donc que sans ces multiples soutiens, les coûts de construction du réacteur auraient été bien supérieurs. EREF, la fédération européenne des énergies renouvelables, a d’ailleurs introduit en décembre 2004 une plainte auprès de la Commission européenne, en raison de ces aides d’Etat qui faussent le jeu de la concurrence.

En matière de sûreté, ensuite, puisqu’un document d’EDF rendu public au printemps dernier (initialement classé « confidentiel défense », il avait alors été publié par le réseau français « Sortir du Nucléaire ») révéla que l’EPR n’a pas été conçu pour résister à la chute d’un avion de ligne. EDF, exploitant de nombreuses centrales nucléaires, précise de plus dans la lettre accompagnant le document ne pas s’estimer responsable de la protection contre le risque terroriste. Affirmations pour le moins inquiétantes lorsque l’on sait que les centrales nucléaires pourraient constituer une cible privilégiée par les terroristes. Et que le France envisage de construire à son tour un tel réacteur…

Plus d’infos: consultez le dossier ci-joint réalisé par Greenpeace, WWF, et Inter-Environnement Wallonie.

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