Recyclage chimique : Greenwashing ou chaînon de l’économie circulaire ?

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La production de plastique ne cesse d’augmenter et avec elle, les pollutions générées par la mauvaise gestion de ses flux de déchets. Seuls 30% des plastiques sont recyclés dans l’Union européenne, à peine 10% au niveau mondial, le reste finissant incinéré, en décharge ou dans l’environnement. De nombreux projets et politiques1 à différents niveaux visent un meilleur taux de recyclage de cette matière. Parmi ces propositions, le recyclage chimique (chemical recycling en anglais) est promu comme une solution incontournable à un problème dont on peine à contenir l’ampleur.

Le recyclage chimique recouvre différentes techniques qui traitent les déchets plastiques en les convertissant en leurs composés de base (monomères) pour en faire de nouveaux composés plastiques, des produits chimiques ou des carburants. Il existe différents procédés qui permettent de produire ces « briques » de base secondaires, on peut citer : process thermo-chimiques (ex. pyrolyse), hydrolyse ou solvolyse (dépolymérisation par solvant).

Les géants de l’industrie pétro-chimique misent beaucoup sur ces procédés, vantant le recyclage chimique comme LA solution à la pollution engendrée par les plastiques en promettant un recyclage des plastiques quasi infini. Principal atout, la possibilité de traiter les plastiques contenant des composés toxiques et de régénérer des éléments de base pour des utilisations « nobles ». Ce recyclage chimique permet aussi de traiter des mélanges de différents types de plastiques sans devoir recourir à un tri sélectif des matières au préalable (comme il est nécessaire pour le recyclage mécanique). Enfin, ces traitements sont capables de proposer une large gamme de matériaux plastiques ou d’autres produits qui auraient les mêmes propriétés que leur équivalent issu de matières premières fossiles vierges. Alors que la consommation de produits pétroliers par l’industrie chimique ne cesse de croître2, ce type de recyclage peut être vu comme une utilisation efficiente des ressources…

Aussi séduisant qu’il puisse apparaître, le recyclage chimique doit être considéré avec prudence. Ces procédés étant très énergivores, les analyses de cycles de vie ne sont peut-être pas aussi favorables que les industries le prétendent. Les milieux environnementalistes s’inquiètent en outre que ces procédés détournent l’attention des politiques des solutions à développer en priorité, à savoir la réduction de la consommation de matières plastiques et la réutilisation. Plusieurs ONG3 réclament un meilleur encadrement du recyclage chimique afin d’éviter qu’il ne soit qu’une fausse solution qui nous éloigne des objectifs européens en matière d’économie circulaire, de chimie durable et de neutralité carbone. Sans rejeter pour autant le recyclage chimique, on est en droit d’attendre des garanties au niveau environnemental. Les ONG demandent aux autorités européennes de :

  • Définir de façon non-ambigüe le terme « recyclagechimique » dans la législation « déchets » afin que celui-ci s’applique à la production effective de nouveaux plastiques et non à la production de carburants ;
  • Clarifier la place du recyclage chimique dans la hiérarchie des déchets ;
  • Privilégier ces procédés pour les plastiques contaminés ou dégradés, d’une durée d’utilisation longue (ce serait non-durable de recourir à de tels procédés énergivores pour des produits à usage unique ou des emballages à courte durée de vie) ;
  • Evaluer l’impact environnemental et sanitaire de ces procédés, en notamment établissant une méthodologie pour calculer le bilan carbone qui intègre aussi bien les émissions directes qu’indirectes ;
  • Etablir des normes pour déterminer les quantités réelles de matières recyclées (et leur qualité) dans les produits fabriqués lors des processus de recyclage chimique. Une approche de type bilan massique permet d’attester que le produit final contient au moins une proportion de matière recyclée ;
  • Allouer des subsides uniquement aux techniques dont l’empreinte carbone est inférieure à celle de la production de plastique à partir de matières premières vierges.

Si le recyclage chimique est une voie intéressante pour recycler certains plastiques et peut-être enrayer la croissance de la production de plastique vierge, il doit être vu comme une solution complémentaire à d’autres traitements. Le soutien au développement de ces techniques ne peut se faire au détriment des politiques de prévention des déchets et de l’émergence d’autres business models qui reposent sur la sobriété et l’usage optimal de ressources en amont.

Alors, promesse ou mirage ?  Les questions autour du recyclage chimique seront soulevées lors d’un colloque qu’IEW et l’IEP organiseront au printemps prochain sur le thème des plastiques. Plus d’infos dans les semaines à venir.


  1. Objectifs EU recyclage plastique… + packagiing + contenu recyclé
  2. En 2018, l’industrie pétro-chimique consommait 12% de la consommation mondiale d’énergie fossile. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) prévoit que la production pétrochimique mondiale va augmenter de 30 % d’ici à 2030 et de 60 % d’ici à 2050 pour devenir la première consommatrice de produits pétroliers.
  3. ECOS, EEB, Health Care without Harm, Rethink Plastic, Zero waste Europe

Gaëlle Warnant

Économie Circulaire