Relance efficace, donc verte !

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À l’heure où la menace de la dette européenne tend à s’estomper progressivement, le gouvernement fédéral se penche sur un plan de relance de l’économie belge. En raison de la situation budgétaire difficile, il faudra encore trouver 5 milliards pour 2013 : les mesures de soutien à l’économie belge ne seront donc pas massives. Il sera donc primordial qu’elles soient efficaces et ancrées dans des secteurs d’avenir. Ces derniers jours, certains ministres et présidents de partis ont proposé leurs pistes pour relancer l’économie. Le premier ministre, Elio Di Rupo a également présenté les 6 axes 1 envisagés pour ce plan d’action économique. Les mesures définitives ne seront pas adoptées rapidement puisque le plan d’action devrait être entériné pour la fête nationale, le 21 juillet. Encore une fois, il est important que ces mesures de relance soient vues comme une opportunité d’orienter l’économie belge sur le chemin de la transition écologique.

De nombreux pays ne se sont d’ailleurs pas trompés et ont déjà adoptés des plans de relance ambitieux et tournés vers les secteurs « verts » de l’économie : efficacité énergétique, transports en commun, énergies renouvelables, etc. Ainsi en 2009-2010, la Chine et les États-Unis ont adopté les plans de relance les plus verts en valeur absolue, respectivement pour un montant de 221,3 milliards de dollars et 112,3 milliards de dollars, tandis que rapporté proportionnellement à l’ensemble de leurs mesures de relance la Corée du Sud avec 80,5% du montant total et la France avec ses 21,2% font la course en tête 2. À l’exception peut être de la France, ces pays ne sont pourtant pas considérés comme les leaders mondiaux de la lutte contre le changement climatique. Les États-Unis n’ont pas ratifié le Protocole de Kyoto, la Corée du Sud est le 10ème plus gros émetteur de gaz à effet de serre, quant la Chine, ses émissions de CO2 liées à la production d’énergie ont augmenté de 250% entre 1990 et 2006 3. Mais ces pays ont tous vu les opportunités économiques notamment en matière d’emplois qu’offrent ces secteurs tournés vers le développement durable. Ainsi, tous voient dans l’amélioration de l’efficacité énergétique, les énergies renouvelables, les transports en commun, des moyens de relancer leur économie et à plus long terme de conduire à une économie moins intensive en ressources et donc plus efficace. Le premier ministre sud-coréen ne s’en est d’ailleurs pas caché, en déclarant lors du lancement de son plan de relance que « l’environnement mondial du XXIème siècle est déjà là et nous trouverons de nouveaux moteurs de croissance pour cette ère. » 4.

De nombreuses analyses confirment par ailleurs le lien positif entre l’emploi et l’économie verte et montrent que des objectifs plus ambitieux en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre auront un effet bénéfique sur l’emploi. Une étude commandée par le ministère allemand de l’environnement montre que passer au niveau européen d’un objectif de réduction des émissions de GES de 20 à 30% est plus bénéfique pour l’économie européenne et belge 5. Basés sur un nouveau modèle macro-économique, les calculs pour la Belgique montrent que le passage à 30% permettrait notamment une plus forte croissance du PIB, une réduction du taux de chômage et permettrait de créer jusqu’à 6 millions d’emplois supplémentaires sur l’ensemble du territoire européen. Une autre étude montre que si on consacre 14% du budget européen à des secteurs « verts », comme la protection de l’environnement (« Natura 2000 »), les énergies renouvelables, les transports durables et les économies d’énergies cela permettrait de créer 500.000 emplois. Comparé au budget accordé à la PAC et à la politique de cohésion qui représentent à elles deux 73% du budget de l’UE ; on augmenta la création d’emplois par euro dépensé d’un facteur 3 6.

Si ces mesures ont un coût, on peut trouver des moyens supplémentaires dans le budget de l’État en respectant voire en renforçant les objectifs climatiques de la Belgique. Ainsi on estime que rehausser à 30% l’objectif européen de réduction des émissions de GES permettrait d’engranger 2 milliards d’euros supplémentaires 7. Cette analyse a d’ailleurs été confortée récemment par une étude de l’OCDE qui montre que la Belgique devrait économiser 1,8% de son PIB si elle atteint l’objectif de réduction de CO2 de 20%, cela grâce aux revenus des quotas CO2 mis aux enchères via l’Emissions Trading System  8. D’autres pistes peuvent également être envisagées. La suppression des subventions aux combustibles fossiles, mazout de chauffage en tête, permettrait de récupérer 1,974 milliard d’euros alors que le gouvernement fédéral a sacrifié sur l’autel de la crise les réductions d’impôt pour les investissements économiseurs d’énergie qui eux représentaient un peu plus de 590 millions d’euros 9.

Des secteurs de l’économie devraient inévitablement pâtir d’une politique économique verte, mais globalement, on devrait assister à une création nette d’emplois. Par ailleurs, pour prendre l’exemple de l’économie wallonne, celle-ci souffre déjà sans pour autant que cela soit lié à la politique climatique belge ou wallonne. Il faut donc voir dans la reconversion bas-carbone de notre économie une opportunité pour à la fois créer de l’emploi durable socialement et économiquement tout en luttant contre le changement climatique. On peut d’ailleurs envisager sans prendre beaucoup de risque que dans les prochaines années le prix des combustibles fossiles continuera à augmenter, tout comme celui des minerais et des terres rares, obligeant ainsi l’industrie à s’adapter et à devenir plus efficace. Dès lors pourquoi ne pas anticiper ces difficultés futures et positionner la Belgique à la pointe de la lutte contre le changement climatique, tout en créant de l’emploi durable et peu délocalisable.

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  1. Créer des emplois durables et de qualité, soutenir les entreprises, garantir la politique de concurrence, investir dans la recherche et le développement, soutenir la transition de notre économie vers un modèle de croissance durable, encourager l’entrepreneur par la simplification administrative.
  2. HSBC Global Research, « A climate for recovery. The colour of stimulus goes green », Février 2009, http://www.globaldashboard.org/wp-content/uploads/2009/HSBC_Green_New_De… (site consulté en avril 2012).
  3. Agence Internationale à l’énergie, « World Energy Outlook », 2008, http://www.worldenergyoutlook.org/2008.asp ATTENTION LIEN MORT ! (site consulté en avril 2012).
  4. Tim Jackson, « Prospérité sans croissance. La transition vers une économie durable. », De Boeck, 2010, p.120.
  5. European Climate Forum, « A new growth path for Europe », 2011, http://www.european-climate-forum.net/fileadmin/ecf-documents/Press/A_Ne…
  6. GHK, « Evaluating the Potential for Green Jobs in the next Multi-annual Financial Framework », 10 août 2011, http://awsassets.panda.org/downloads/investing_for_the_future.pdf (consulté en avril 2012)
  7. CAN Europe, « Why Europe should strengthen its 2020 climate action », février 2011, http://caneurope.org/resources/publications/cat_view/382-publications/37… (consulté avril 2012).
  8. OCDE, « Consolidation budgétaire : quelle ampleur, quel rythme, et quels moyens ? », 2012, http://www.oecd.org/dataoecd/4/33/50107169.pdf (consulté en avril 2012).
  9. SPF Finances, « Inventaire 2010 des exonérations, abattements et réductions qui influencent les recettes de l’État », Bulletin de documentation n°4, 4ème trimestre 2011, http://docufin.fgov.be/intersalgfr/thema/publicaties/documenta/2011/Bdoc… (consulté en avril 2012).