Think Climate en matière de tourisme

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Un groupe d’ours polaires s’est retrouvé récemment aux abords d’un village en Russie. Ce fait divers, pas totalement nouveau mais à la fois impressionnant et emblématique, nous rappelle de façon directe et brutale à quel point le changement climatique devient réalité et ce que peuvent produire les dérèglements en cascade qui s’en suivent.

« La glace de la banquise n’étant pas assez solide pour leur permettre de chasser, les animaux se sont rapprochés pour essayer de trouver de la nourriture » . La saga des ours polaires et des villageois nous renvoie à notre responsabilité d’humains, face à d’autres humains et au monde naturel de façon générale. Elle nous renvoie également inconsciemment aux peurs ancrées dans notre inconscient collectif. Peurs traduites dans de nombreux contes et légendes que l’on se racontait jadis au coin du feu, à commencer par celui, bien connu chez nous du « Petit chaperon rouge » confronté au méchant loup qui rôdait dans la forêt.

L’histoire des ours blancs, icones intemporelles du monde polaire que l’on perçoit comme dernier bastion de vie sauvage dans notre monde ultra civilisé, urbanisé, cultivé et interconnecté, met à mal la croyance que certains cycles ou lieux sont immuables. Elle précipite notre prise de conscience de la fin d’une ère, telle un radeau qui se dirigerait vers des rapides et qui ne peut plus résister à l’accélération du courant.

Cette histoire d’ours, enfin, nous connecte à notre besoin d’exotisme et d’aventure : qui a résisté à la tentation de lire cette histoire, ou de regarder les vidéos  montrant ces ours rodant autours de villages, la gueule ensanglantée et l’air affamé ?

Or, les liens entre cet épisode et notre besoin d’exotisme et d’aventure sont multiples. En premier lieu, selon moi, parce qu’une des causes croissantes de notre impact sur le climat est lié à notre besoin de voyager en utilisant des modes de transports polluants, en particulier l’avion, les bateaux de croisière et la voiture.

Les articles et rapports qui dénoncent ce fait ne manquent pas1 et il faut vraiment être totalement isolé socialement ou volontairement aveugle pour ne pas le savoir. Même les formes alternatives de tourisme (l’écovolontariat, l’écotourisme, le tourisme durable, etc.) sont légitimement critiquées lorsqu’elles impliquent de nombreux déplacements, des déplacements lointains et des modes de transport ou de séjours polluants2.

Par ailleurs, le domaine des voyages d’agréments est celui où, théoriquement, les changements sont le plus facilement applicables : on peut être obligé d’aller tous les jours en voiture au travail, si l’on n’a pas d’autres options, mais on n’est jamais obligé d’aller à un endroit particulier en vacances. Théoriquement, dans le domaine des vacances et des loisirs, on a précisément le choix.

Or, qu’est ce qui freine les changements de comportement à cet égard. ? Et pourquoi ne pas accepter le fait que c’est précisément la révolution que nous pourrions adopter, nous occidentaux fortunés (par rapport au reste du monde), dans notre façon de voyager, qui est la meilleure garantie de conserver un minimum de beauté et de vie sauvage dans ce monde.

A ceux qui voudraient me répondre « pourquoi moi, je dois le faire et pas les autres ? », je m’empresse d’indiquer qu’il y a de plus en plus de mouvements citoyens qui émergent pour critiquer l’aérien et proposer des alternatives.

A ceux qui me disent  « oui, mais j’ai besoin d’aventure », je dirais, que changer d’habitudes, c’est se lancer dans l’aventure et que les voyages en modes alternatifs comportent leur lot de surprises et de possibilités de s’émerveiller. Les « midis climatiques du tourisme durable » que j’ai organisé en 2019 avec Luc Goffinet (du Gracq), et en collaboration avec Mundo-N, et au cours desquels des citoyens sont venus raconter leurs vacances en modes autres que l’avion et la voiture (vélo, marche, kayak, train…) ont permis de découvrir la part d’aventure et d’émerveillement liée à ces autres façons de voyager3.

A ceux qui me répondent « mais je n’ai pas les moyens… », je rétorquerais que la marche et le vélo sont moins coûteux qu’un voyage en voiture, en bateau ou en avion.

Enfin, à ceux qui me disent « c’est trop tard, le besoin de voyager en avion est entré dans notre culture », je répondrai que les emballages en plastique, pour ne citer qu’un exemple, faisaient aussi partie de notre culture (or, nous sommes en train de changer ces habitudes avec la vague du « zéro déchets »).

Donc, comme vous l’avez fait dans des tas de domaines de votre existence et vous le faites probablement par rapport à des nouvelles pratiques, adoptez le réflexe du voyage moins impactant : avant de partir en vacances, posez-vous ces questions quant à votre destination : puis-je y accéder en train, à pied ou à vélo ? Puis-je y circuler en modes doux ? Et quant à votre logement : comment accueille-t-il le cycliste, piéton, usager des transports en commun que je suis (devenu) ? A-t-il entrepris des démarches pour réduire son empreinte écologique ?

Et pensez à remplacer certains voyages par de la lecture (c’est mieux pour votre portefeuille et pour votre cerveau) !


  1. Voir notamment https://www.canopea.be/aviation-et-climat/
  2. Voir à ce sujet l’évaluation de ces formes de voyages dans  « La domination touristique, Points de vue du Sud », dans Alternatives Sud, Volume 25-2018 / 3, Centre Tricontinental et Editions Syllepse.
  3. Programmes et présentations faites lors de ces midis climatiques disponibles sur demande à m.spaey@iew.be