Un « Printemps » pourri?

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A la veille de la présentation officielle par le Ministre de l’Energie et du Climat, Paul Magnette, des mesures retenues sur base des quatre semaines de négociations menées par les représentants des milieux économiques, syndicaux, environnementaux et académiques, les informations recueillies à divers sources et parues dans la presse témoignent de résultats en-deçà des attentes les plus pessimistes.
Non seulement les arbitrages du politique sur les points de dissensus ne répondent en rien à l’urgence écologique mais les mesures faisant consensus n’ont même pas été reprises dans leur intégralité!
Pour les organisations environnementales – les fédérations Inter-Environnement Wallonie, Inter-Environnement Bruxelles, Bond Beter Leefmilieu et Brusselse Raad voor het Leefmilieu ainsi que Greenpeace et le WWF – ce qui devait constituer une étape déterminante dans la prise en compte des enjeux environnementaux risque fort de rester dans l’Histoire comme une formidable occasion manquée…

Le 15 avril, lors du lancement du Printemps de l’Environnement, Paul Magnette avait posé un constat : « le temps n’est plus à l’étude des problèmes mais à la mise en oeuvre de solutions coordonnées pour que la Belgique fasse des progrès déterminants. » et avait exhorté les participants à l’audace, affirmant que « le seul moyen d’être réaliste, c’est d’être ambitieux ». A en croire les mesures qu’il s’apprête à annoncer, force est de constater que le Ministre et, par-delà sa personne, l’ensemble de notre gouvernement manquent dangereusement de réalisme!

En effet, sauf surprise de dernière minute, le bilan du « Printemps de l’Environnement » s’avérera particulièrement rachitique. Alors que la société civile a travaillé à dégager des consensus et qu’à force d’opiniâtreté quelques avancées intéressantes ont fait l’objet d’un accord, le politique s’avère incapable d’assumer sa part de responsabilité pour répondre aux enjeux environnementaux mais aussi économiques, sociaux, sanitaires et humanitaires que la crise écologique en cours nous promet.

Sur base des infos disponibles, plusieurs des mesures consensuelles ne sont même pas reprises dans les décisions politiques !
Ainsi, les parties prenantes – y compris donc patronat et électriciens… – s’étaient accordées sur l’idée suivante : « Sans se prononcer sur l’opportunité ou les modalités d’une éventuelle récupération totale ou partielle des profits tirés de la production d’électricité d’origine nucléaire, le groupe estime que si des fonds étaient récupérés auprès des producteurs historiques d’électricité d’origine nucléaire, ceux-ci devraient être partiellement affectés au financement renforcé du développement de l’éolien offshore, comme par exemple le développement du réseau national et des interconnexions. » Le Ministre lui-même a toujours soutenu cette proposition. Et pourtant : faute sans doute de consensus gouvernemental, la mesure n’a pas été reprise.

Comment le gouvernement peut-il ainsi faire fi d’une demande portée à la fois par la FEB, Electrabel, les ONG, Elia, la CREG et le secteur du renouvelable? Quelle affectation prévoit-il alors pour ces bénéfices, une fois qu’ils seront récupérés? Oublie-t-il les impératifs en terme de renouvelable et ses déclarations répétées en faveur de leur développement?

Autres « oublis » parmi d’autres: la mise à niveau équivalent des accises sur l’essence et le diesel, notamment en raison des dégâts sanitaires de ce dernier; des aides publiques modulées en fonction de leur return environnemental; l’instauration étalée dans le temps d’une taxe kilométrique sur le transport de personnes et de marchandises (au lieu d’étudier la faisabilité de cette mesure comme il lui était demandé, le gouvernement envisage de la remplacer par une vignette électronique aux avantages environnementaux moindres voire nuls) ; etc. Même de petites mesures techniques évidentes comme le développement de spoilers spéciaux pour diminuer la consommation des camions n’ont pas été reprises !

A côté de ces absences, les mesures retenues se distinguent par leur manque d’ambition. A titre d’exemple, le consensus pour promouvoir l’alimentation durable dans les collectivités se concrétise par un « projet pilote au niveau de la cantine du SPF Santé publique ».

Par ailleurs, à en croire les infos disponibles, le gouvernement n’a tranché sur aucune des mesures non consensuelles !
Rien, donc, en vue d’une régulation de la publicité, notamment par la mise en place d’un observatoire indépendant et d’un cadre légal clair au niveau de l’usage d’allégations environnementales. Rien pour une meilleure régulation de la mise en vente des pesticides et biocides. Rien pour mettre un terme à la multiplication des voitures de société.

Le Printemps de l’Environnement risque donc fort de se clôturer sur un constat d’échec d’autant plus amer que non seulement l’initiative ne débouche pas sur les mesures espérées (et indispensables !) mais envoie en outre à la population un signal d’immobilisme en totale contradiction avec l’urgence de changements que la situation exige.