Un zoning à Lessive ?

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Namur, le 17 mai 2004

A Monsieur Michel Foret

Ministre de l’aménagement du territoire, de l’urbanisme et de
l’environnement

1, place des Célestines

5000Namur

Nos réf.: RAM/JK/040512

Concerne : plan communal d’aménagement dérogatoire au plan de secteur, bois de la Héronnerie à Lessive.

Copiepresse (lettre ouverte)

Monsieur le Ministre,

Une proposition de dérogation au plan de secteur vous sera incessamment soumise, qui prévoit la création d’une zone d’activité économique mixte dans le bois de Lessive, en relation avec la station Belgacom et le centre Technobel existants sur ce site.

La présente pour vous faire part de notre vive opposition à ce projet, pour des raisons relatives tant à l’aménagement du territoire qu’au patrimoine naturel, voire au développement économique.

  1. A propos de l’objectif économique

    L’objectif que vise ce projet, et qui est défendu par le BEPN et par la commune, est de développer à cet endroit un pôle consacré aux nouvelles technologies de l’information et de la communication (TIC), à la clé duquel il y aurait environ 2000 emplois.
    Ce dernier chiffre est pour le moins étonnant; l’étude d’incidences remarque en effet qu’il s’agit là du nombre d’emplois que l’ensemble du secteur a généré en 10 ans dans l’ensemble des parcs économiques en Région wallonne. La même étude souligne par ailleurs que les entreprises des TIC tendent à s’implanter à proximité de leurs clients plutôt que de leurs éventuels partenaires. Elles trouveraient donc un lieu d’implantation plus opportun dans un zoning existant (Rochefort, ou le parc Créalys des Isnes) qu’à proximité des antennes Belgacom, proximité qui n’est justifiée que par une question d’image.
  2. A propos de l’aménagement du territoire.
    Le développement d’un zoning à cet endroit, situé à l’écart de toute agglomération de quelqu’ importance, n’est pas compatible avec les règles de bon aménagement, qui veulent que les activités et l’habitat soient regroupés en pôles structurant le territoire. En effet, la logique inverse de dispersion des fonctions sur le territoire, à laquelle contribue le présent projet, entraîne un gaspillage de temps et d’énergie, notamment parce que les distances de transport se trouvent accrues pour les biens comme pour les personnes.
  3. A propos du respect des milieux naturels
    Comme le souligne l’étude d’incidence, nous constatons le découpage plus qu’artificiel du site Natura 2000 autour du projet de PCA, découpage négligeant ainsi 20 ha d’un habitat Natura 2000. Nous tenons à souligner la nécessité d’avoir une meilleure connaissance du statut des espèces présentes sur ce site avant de pouvoir définir les contraintes qui devraient être proposées sur ce qui devrait constituer si pas un site Natura 2000, au moins un périmètre d’incitation, l’étude d’incidence montrant combien la mise en ½uvre du PCA aura également un impact important sur les espèces visées par le site Natura 2000 voisin.
  4. A propos des effets paysagers.
    Le site dévolu au projet est implanté en ligne de crête. Il est largement visible des alentours et l’impact paysager sera donc majeur, et négatif surtout que le schéma d’implantation des bâtiments présenté suppose d’importants terrassements. L’impact sera d’autant plus fort que le paysage existant par ailleurs est de qualité, et de caractère profondément rural.
  5. A propos des aspects financiers.
    Il est question d’actionner dans ce dossier le levier des Fonds européens via l’Objectif II rural auquel est éligible le territoire communal de Rochefort, comme d’ailleurs une bonne partie de la province de Namur.
    Il peut être utile de rappeler ici l’esprit de l’Objectif II rural: la stratégie se base sur l’environnement sain et la qualité paysagère dont la préservation permet d’actionner les trois leviers de croissance avec comme pôles d’actions le développement d’un tissu d’entreprises compétitives et prospectives, la pérennisation des filières agroalimentaire et bois de l’agriculture et sylviculture et la valorisation de leur multi-fonctionnalité, le renforcement du tourisme de qualité et le développement des énergies renouvelables[[Source: site http://europe.wallonie.be]]. Il s’agit, o­n le voit, de promouvoir un développement endogène au milieu rural et respectueux de l’environnement, critères auxquels ne correspond nullement ce projet.
    En définitive, ce dernier permettra surtout à Belgacom de valoriser son bien en troquant, par l’entremise d’un plan communal d’aménagement, la zone d’équipements communautaires et de services publics qui caractérise actuellement le site, contre de la zone d’activité économique ; affectation qui lui donnera des chances, nulles actuellement, de vendre le terrain comme étant à bâtir et donc de réaliser une plus-value foncière. Il s’agit donc d’une opération où l’intérêt privé l’emporte sur l’intérêt public, puisque d’importants milieux naturels seront détruits alors que l’objectif déclaré, en matière d’emplois et de soutien au secteur des TIC, apparaît largement fictif, et cela au bénéfice d’un opérateur privé.

Pour Inter-Environnement Wallonie,Pour les Naturalistes de la Haute-Lesse,
Denis Van Eeckhout,Bruno Marée,
Secrétaire généralPrésident.
Lionel Delvaux et Janine Kievits,
Chargés de mission