Une fiscalité écologique et sociale

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C’est la campagne électorale et certains candidats n’hésitent pas à véhiculer une image quelque peu pernicieuse des impôts. Ceux-ci nuiraient à la santé économique, aux ménages, seraient contre-productifs… Certes, tout n’est pas parfait dans la répartition des recettes, mais rappelons quand-même que ces prélèvements constituent le socle de financement des biens collectifs et de la nécessaire sécurité sociale.

Jusqu’ici, les partis politiques convergent sur trois propositions en matière de fiscalité, à savoir ne pas augmenter la charge fiscale globale ; baisser les charges sur le travail pour le rendre plus attractif ; et accentuer les incitants fiscaux (primes et déductions) en faveur des produits et comportements écologiques. De telles mesures sont très louables mais il faudra les financer. Or, à force de vouloir baisser les taxes sans les compenser, on risque de mettre en péril le financement des pensions, les écoles, les soins de santé, l’entretien des routes et pistes cyclables, … bref tous ces services collectifs indispensables pour assurer notre bien-être et le bon fonctionnement de l’économie.

Alors pourquoi ne pas augmenter progressivement les prélèvements sur les ressources naturelles et énergétiques en compensation des baisses sur les revenus du travail ? Les prix actuels ne reflètent pas suffisamment les coûts environnementaux, ni les effets sur la santé. En plus, la fiscalité environnementale belge est l’une des plus faibles d’Europe. Selon un rapport comparatif d’Eurostat et de la Commission Européenne (mai 2006), les taxes environnementales ne représentent que 5,3 % du total des taxes belges.

Une hausse de la fiscalité sur les ressources naturelles présente nombre d’avantages, tant individuels que collectifs. Elle induit des changements de comportements, dans le chef des producteurs et des consommateurs. Elle rééquilibre la charge fiscale qui pèse sur les différents facteurs de production (travail, capital et environnement). Elle incite à l’amélioration des performances environnementales et à l’innovation. Elle est favorable à la santé économique car elle pousse les entreprises et les consommateurs à faire mieux avec moins de ressources. C’est ce que l’on peut appeler un « double dividende » ou un « win-win » : à la fois positif pour l’environnement et l’emploi.

Bien sûr, la hausse des taxes devra être annoncée, progressive et fixée au départ à un taux suffisamment bas que pour être supportable pour les ménages et les secteurs économiques les plus exposés. Une partie des recettes devra être réorientée vers l’accompagnement des groupes sociaux les plus fragiles pour les aider à être moins dépendants des ressources énergétiques (isolation des bâtiments, achat d’électroménagers A++,…).

Cette idée n’est pas nouvelle en Belgique. L’accord gouvernemental du 7 juillet 1999 y faisait déjà explicitement référence, de même que l’accord de gouvernement fédéral de 2003. Selon l’accord de 1999, « des déplacements internes sont nécessaires pour parvenir à une fiscalité plus juste socialement, plus favorable au travail et centrée sur l’environnement ». Vu l’urgence écologique, il est grand temps de la mettre en ½uvre, afin de préparer l’économie nationale (infrastructures énergétiques, transports, modes de production et de consommation) aux obligations de réduction des émissions de CO2 plus fortes, attendues lors de l’après-Kyoto, ainsi qu’à l’inévitable augmentation du prix des matières premières.

Si on ne se décide pas aujourd’hui à augmenter de manière progressive et contrôlée le prix des ressources et de l’énergie, nous aurons sans doute, tôt ou tard, à subir cette hausse, et peut-être de manière brutale.

Canopea