Varsovie n’est pas un « sommet de transition »

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Me voilà dans le train pour Varsovie, en route pour suivre la deuxième semaine des négociations internationales sur le climat au sein de la « Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques » (CCNUCC). En principe, c’est maintenant, avec l’entrée en piste des ministres, que les discussions devraient commencer à aboutir. Espérons en tout cas qu’il en sera ainsi car, malgré l’émotion suscitée par les ravages du typhon Haiyan qui a frappé les Philippines la veille de l’ouverture des travaux, les progrès de la première semaine ont été lents. Il y a pourtant « du pain sur la planche » si l’on veut conclure un accord global et contraignant engageant tous les pays en 2015, à Paris : Varsovie ne peut pas se contenter d’être un sommet de transition et doit au contraire poser des jalons solides pour le rendez-vous programmé dans la capitale française.

En premier lieu, les pays doivent prendre des décisions concrètes afin d’augmenter le niveau des objectifs volontaires de réduction des émissions d’ici 2020. En effet, ceux-ci sont en l’état totalement insuffisants et nous mènent sur la voie d’un monde à +3,3°[[Source : http://climateactiontracker.org/]]. Signalons au passage que l’Union européenne est, sur ce point, loin d’être le bon élève de la classe que l’on imagine. Son objectif de réduction de 20% en 2020 est bien en-deçà de ce que demande la science. Et au sein de cette UE décevante, notre pays fait figure de cancre en étant parmi les 6 Etats membres qui ne sont pas en phase pour atteindre leur objectif climat européen[[Agence européenne de l’Environnement (2013) Tracking progress towards Kyoto and 2020 targets. Technical report n°17/2013.]] faute, notamment, d’un accord entre les Régions et le fédéral pour se répartir cet objectif. Ces objectifs volontaires sont pourtant un facteur-clé pour construire la confiance toujours fragile et souvent manquante dans ces négociations entre pays développés et en développement. Comment espérer que les pays émergents et en développement s’engagent dans un accord global si les pays industrialisés, qui sont les principaux responsables des changements climatiques en cours, ne prennent pas une part équitable de l’effort ?

Mais comment définir ce qui est équitable ? Il s’agit là d’un deuxième enjeu où les associations environnementales espèrent des avancées concrètes à Varsovie. Car il n’y a aura pas d’accord global sans équité et pas d’équité sans accord global. A Varsovie, les Etats doivent s’engager à définir rapidement un cadre de référence pour l’équité qui permettra d’évaluer précisément et objectivement les engagements de chacun – sur la réduction des émissions mais aussi sur les « financements climatiques » – par rapport aux objectifs globaux que l’on se sera fixé.
Les « financements climatiques » sont le troisième nœud de ces négociations. Ils visent à aider les pays en développement à faire face et s’adapter aux conséquences des changements climatiques. Personne ne semble d’ailleurs nier leur importance mais, jusqu’à présent, ils font cruellement défaut. En 2009, à Copenhague, les Etats s’étaient mis d’accord pour donner 30 milliards de dollars entre 2010 et 2012 et 100 milliards de dollars par an d’ici 2020. La première période de financements a pris fin et on ne sait toujours pas selon quelle progression on atteindra l’objectif des 100 milliards d’ici 2020 ni de quelles sources proviendront ces financements. Sur ce point, on peut regretter que la Belgique soit venue les mains vides à Varsovie alors que plusieurs pays ont déjà annoncé un montant de financement pour 2013-2015. Les associations environnementales, de développement et les syndicats demandent dès lors aux responsables belges de s’engager pour au moins 150 millions d’euros pour la période 2013-2015 et de commencer par libérer les 50 millions d’euros promis pour 2013 lors du précédent Sommet climatique à Doha… mais dont on ne trouve aucune trace dans les budgets.

Enfin, des décisions concrètes sont attendues pour mettre en place un mécanisme de « pertes et préjudices » (loss and damage) destiné à couvrir les impacts inévitables et résiduels imputables aux changements climatiques (notamment les évènements climatiques extrêmes). Il s’agira là d’un troisième pilier de l’action climatique, à côté de l’atténuation des émissions de gaz à effet de serre et de l’adaptation.
Limiter la hausse de la température à +2°C est toujours possible mais il ne reste que peu de temps. Espérons que les négociateurs réunis à Varsovie aient conscience de cette urgence grandissante et fassent preuve de courage politique pour prendre les mesures indispensables à la préservation d’une planète vivable.

Pour plus d’informations:

  les recommandations de CAN (Climate Action Netwok) pour Varsovie “Warsaw : on the road to Paris” (résumé en Français disponible);

  les recommandations de la Plateforme Justice climatique qui regroupe les ONG Nord-Sud, d’environnement et les syndicats belges.

Cécile de Schoutheete

Anciennement: Développement durable & Énergie