Zéro Déchet : la Wallonie cultive le terreau de l’économie circulaire

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La DPR est relativement ambitieuse quant au développement de l’économie circulaire avec la volonté d’en faire un axe fort de la transition économique et industrielle wallonne. Mais la Wallonie devra se donner les moyens de ses ambitions, notamment en matière de prévention des déchets et en faisant valoir toutes ses compétences.

La Wallonie prend le train de l’économie circulaire en s’appuyant notamment sur les recommandations du rapport parlementaire adopté par le Parlement de Wallonie consacré à ce sujet. De nombreuses touches de circularité sont insufflées au niveau de certains leviers de développement : pôles de compétitivité, Recherche Développement & Innovation, formation, investissements, subsides aux entreprises…. Néanmoins, on peut regretter que ces intentions et mesures ne soient pas rassemblées au sein d’une véritable stratégie régionale d’économie circulaire dotée d’objectifs avec indicateurs de suivi, d’un cadre budgétaire et d’un organe de pilotage spécifique mais trans-disciplinaire.

On se réjouit que la Wallonie vise le développement d’une double approche, à savoir une logique d’économie circulaire ET une logique « zéro déchet ». L’optimisation de l’utilisation des ressources doit en effet aller de pair avec un objectif de réduction de la production de déchets. Pour le dire plus franchement, la réutilisation et le recyclage des matières, même poussés à leur optimum ne peuvent nous dédouaner d’une réflexion sur nos modes de consommation.

Une logique « zéro déchet » qui sera soutenue auprès des particuliers, des entreprises et administrations. Au niveau des pouvoirs publics, ils seront amenés à être « exemplaires » en matière de circularité. Pour ce faire, il est grand temps que les marchés et achats publics intègrent des prescriptions qui favorisent la réutilisation et les produits éco-conçus.

Un idéal « zéro déchet » traduit également à travers un objectif ambitieux : une diminution de 50% de l’incinération des déchets à l’horizon 2027. Avec comme corollaire la fin des subsides aux nouveaux investissements dans l’incinération[1]. Une décision saluée qui reflète bien la tendance imprimée au niveau européen.

Pour réduire les quantités de déchets destinés jusqu’ici à partir en fumée, différents leviers devront être activés :

  • Collecte sélective des organiques obligatoire auprès des ménages, fortement encouragée auprès des entreprises, collectivités et horeca.
  • Renforcement du tri en entreprises avec davantage de contrôles.
  • Pression fiscale sur les communes et les citoyens en touchant au mécanisme de financement des services de collecte et gestion des déchets via un abaissement du seuil de quantités de déchets (par habitant et par an) au-delà duquel les communes sont sanctionnées, diminution du forfait sur le service minimum et révision des services complémentaires ; des mécanismes qui devraient encourager à la facturation au poids, plus incitative pour réduire la quantité de déchets résiduels.
  • Développement de nouvelles filières de recyclage (huiles usagées, matelas, déchets de construction…).

Par contre on regrettera que, relativement à la volonté de « réduction forte des déchets mis en décharge » inscrite à terme dans un objectif de « suppression complète de mise en décharge », la DPR ne mentionne aucune échéance pour ce phasing-out, ni objectifs intermédiaires, ni propositions de leviers (notamment fiscaux et économiques). Une révision du plan des centres d’enfouissement technique (CET) de 1999 (réévalué en 2012), plan complètement obsolète vu les impulsions données à la politique Déchets-Ressources, est indispensable pour préparer tous les acteurs et assurer une cohérence dans la planification et la délivrance des permis des différents outils de traitement.

La proposition d’un système de consigne sur les canettes et bouteilles en PET rencontre un souhait de longue date. Toutefois conditionner la mise en œuvre de la consigne aux résultats des expériences pilotes menées dans quelques communes semble extrêmement périlleux vu que ces projets pilotes n’ont pas été conçus de manière à faciliter le retour des emballages visés et que les conditions de mise en œuvre ne reflètent pas ce qu’une généralisation du système pourrait entraîner. En outre, IEW insiste pour que l’évaluation des expériences pilotes et des impacts d’un système de consigne soit menée par un organe indépendant des producteurs et des distributeurs et de l’éco-organisme qui les représente, à savoir Fost Plus. Si l’option de la consigne est plus affirmée à Bruxelles, en Flandre elle ne semble pas mature à ce stade. Voilà qui complique sérieusement son application dans tout le pays.

Il faut également saluer une approche volontariste autour du « phénomène » plastique. Si la Wallonie entend poursuivre les mesures déjà engagées[2] sous l’ancienne législature, elle entend également aller plus loin en proposant une stratégie de sortie de production de plastique à l’horizon 2030, stratégie qui serait co-construite avec de multiples acteurs et prendrait la forme d’un nouveau Green Deal. L’objectif de chasser les produits plastiques pour lesquels il n’y a pas d’alternative est bien sûr louable mais le pari est risqué tant les résistances seront grandes. Les lobbies divers ne manqueront pas de rendre cette matière indispensable et par ailleurs, le gouvernement devra se plier à un exercice d’équilibriste pour rester dans le champ de ses compétences. Rappelons que les règles de mise sur le marché et les normes de produit sont de compétences fédérales… sans oublier les balises du droit européen à qu’il conviendra de respecter. Il faudra plus qu’une simple concertation avec le Fédéral et les autres régions : une réelle vision partagée pour une application nationale de substitution progressive du plastique. Mentionnons également la concrétisation d’un volet « recyclage » de cette stratégie plastique avec les différents projets[3] repris au Plan wallon d’Investissement qui visent à développer une véritable filière en Wallonie.

Pointons enfin le commentaire chèvre-choutiste qui entend renforcer la coordination entre tous les opérateurs, entendez publics et privés, « tout en garantissant la maîtrise publique des déchets ménagers ». Sans parti pris, on espère surtout le développement d’une approche « matière » la plus intégrée et performante possible – d’un point de vue environnemental, social et économique – de la conception à la réintroduction dans la boucle et ce, quel que soit le type d’acteurs.

Il reste à espérer que le déploiement de l’économie circulaire ne soit pas l’affaire d’un seul portefeuille ministériel ou d’un seul pré carré mais que l’ensemble des ministres ait à cœur de promouvoir la circularité à travers les compétences respectives. Il est fondamental que les principes d’économie circulaire percolent dans toutes les politiques et vers différents types d’acteurs, de la formation des jeunes et des travailleurs à l’exemplarité des pouvoirs publics en passant par l’accompagnement et l’aide aux entreprises. On pourrait suggérer que le Haut Conseil Stratégique, chargé de vérifier si le gouvernement est en phase avec les objectifs fondamentaux (climat, emploi, pauvreté), et l’administration élaborent également des indicateurs et critères qui permettent de contrôler que les décisions du gouvernement sont en adéquation avec les objectifs de préservation des ressources et de circularité. Nous resterons vigilants sur la mise en œuvre transversale, tant de la logique « zéro déchet » que celle d’économie circulaire.


[1] Exceptés investissements indispensables qui conduisent à une amélioration de la qualité de l’air et des performances environnementales

[2] Interdiction des sacs plastiques, interdiction d’ustensiles en plastique à usage unique notamment dans le cadre de la transposition de la Directive Single-Use Plastic

[3] 6 projets ont été retenus et représentent un investissement global de 120 millions d’euros dont 47 millions à charge de la Wallonie

Gaëlle Warnant

Économie Circulaire